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Entre la politique des ports pratiquée par le gouvernement britannique et ses agents, dont nous avons essayé d’indiquer les tendances et les effets, et un système continental de sécurité générale et d’ordre tel que celui dont la France a besoin pour respirer et travailler, y a-t-il opposition radicale ? Oui en apparence ; non en réalité. En tout cas, l’opposition n’est pas irréductible.

D’abord, les vrais intérêts de l’Angleterre ne sont pas toujours, tant s’en faut, identiques à ceux des marchands, gens de « business, » fonctionnaires ou officiers coloniaux, qui l’entraînent dans une politique à courte vue et dont l’activité indiscrète a suscité les plus grosses difficultés entre leur pays et la France. Les organes les plus éclairés de la presse anglaise, tels que le Times, sont plus sévères que nous n’avons le droit de l’être pour de telles erreurs. Ils ont montré, dans une courageuse campagne, que les intérêts britanniques sont, à l’heure actuelle, autant que pendant la guerre, étroitement solidaires de ceux de la France. La guerre n’est pas finie ; elle ne le sera pas tant que les traités n’auront pas été exécutés, tant que l’Allemagne aura les moyens et surtout la volonté de remettre en question les résultats de la grande lutte, tant que l’impérialisme bolchéviste menacera l’Europe et l’Asie et entretiendra dans l’Europe orientale un militarisme rouge aussi dangereux que le militarisme prussien et d’ailleurs prêt à s’unir à lui, si les dissentiments des Alliés lui en offraient l’occasion, pour tout submerger et pour déchirer le traité de Versailles à la faveur d’un bouleversement général. Cette conjonction était virtuellement réalisée au moment où Varsovie paraissait sur le point de succomber et où, une fois de plus, une Russie égarée allait se faire, sur le cadavre pantelant de la nation polonaise, complice des ambitions et des haines de la Prusse. Le Gouvernement français a une fois de plus sauvé l’Europe en réconfortant la Pologne, en lui montrant pourquoi elle pouvait et comment elle devait vaincre. Il a eu la joie de voir son action admirablement comprise par les États-Unis. Mais c’est seulement à Lucerne, et après la victoire polonaise, que MM. Lloyd George et Giolitti paraissent avoir mesuré le danger auquel ils venaient d’échapper.