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avait continué à l’animer. Vus d’Europe, les États-Unis, qui ont certes leurs intérêts nationaux, apparaissent comme une Puissance supranationale et peuvent en tenir le rôle. Héritiers de nos civilisations qu’ils ont su rénover en une puissante et originale synthèse, les Américains, dont l’intervention dans la Grande Guerre est un acte d’une portée historique sans précédent, doivent à l’Europe de ne pas l’abandonner dans la crise difficile de sa reconstruction. La France a besoin d’eux pour accomplir jusqu’au bout sa tâche d’ordre et de pacification ; elle les appelle avec confiance, que leur chef s’appelle Wilson ou Harding, sûre que l’opinion publique saura déterminer l’action gouvernementale à continuer l’œuvre si noblement commencée en 1917.

Les organisations internationales ouvrières, depuis longtemps créées, auraient pu être et pourraient encore devenir des forces constructives, si elles n’avaient, dès leur origine, travaillé à conquérir, par des moyens révolutionnaires, le pouvoir politique pour des fins, non d’ordre et de paix, mais de lutte de classe. Paix entre les peuples ne peut pas signifier guerre entre les classes. S’il est légitime, s’il peut devenir avantageux au bien général, que les organisations syndicales des divers États aient entre elles des relations et des accords relativement à leurs intérêts professionnels, il ne l’est pas qu’elles cherchent à se substituer à la nation entière, s’agitent à l’encontre de ses intérêts supérieurs et prétendent dicter la loi au Gouvernement dans des questions où leurs intérêts ne sont ni les seuls ni les plus importants. Aussi bien est-ce là un sujet qui dépasse le cadre de ces quelques notations politiques ; il suffisait d’indiquer que les organisations internationales ouvrières peuvent devenir, selon leurs propres tendances, ou des facteurs de destruction et de troubles, ou, au contraire, des forces d’organisation, de paix sociale et internationale. Elles élimineront plus volontiers de leur sein les éléments révolutionnaires et communistes si les Gouvernements, de leur côté, s’entendent entre eux et s’accordent avec elles sur un programme de réorganisations et de reconstructions sociales. La France sait que c’est l’une des conditions essentielles de cette pacification générale à laquelle, après de si grandes secousses, tous les hommes aspirent et qui n’est possible que par la pacification des esprits. Le système continental qu’elle convie les peuples à établir avec elle doit être à la fois politique et social.