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sauver l’Empire des Habsbourg auquel l’attachaient des liens historiques. La dislocation s’est produite et on commence à s’apercevoir que la chute de l’État dualiste a donné l’essor à des peuples catholiques qui aujourd’hui aménagent leur indépendance et où les forces catholiques s’organisent. Les Tchèques et les Slovaques sont en très grande majorité catholiques ; encore que leur Gouvernement actuel soit teinté d’anticléricalisme, il n’a pas hésité, pour aplanir plus vite certaines difficultés qui menaçaient l’unité intérieure des Tchèques et des Slovaques, à accréditer un ministre auprès du Saint-Siège et à accueillir un nonce à Prague.

Les Serbes, prévoyant et préparant leur haute fortune politique, avaient, avant la guerre, conclu un concordat avec Pie X ; dans l’État yougo-slave nouveau, les Croates et les Slovènes, catholiques, sont venus s’unir aux Serbes orthodoxes, apportant au royaume agrandi un élément plus occidental, plus civilisé dans sa masse, mieux préparé à la vie politique et économique moderne. Ce même phénomène s’est produit en Roumanie où l’annexion de la Transylvanie, de la Bukovine, du Banat, adjoint aux Roumains orthodoxes de l’ancien royaume, des Roumains catholiques et d’autres éléments ethniques également catholiques. Ainsi, « l’Église libre dans l’Europe libre » [1] a vu s’ouvrir à son influence, dans le bassin du Danube, dans les Balkans, en Russie, de nouveaux champs d’action. Des diplomates jusqu’alors inconnus ou depuis longtemps absents forment maintenant autour du Saint-Siège un imposant cortège : la Pologne, la Tchéco-Slovaquie, le royaume serbo-croato-slovène, la Roumanie, l’Autriche, la Hongrie, l’Ukraine, sans compter de plus petits, ont là leurs représentants. La Suisse vient d’accréditer le sien. Enfin le Reich allemand a son ambassadeur. On sait qu’avant la guerre seules la Bavière et la Prusse, mais non pas l’Empire, avaient un ministre à Rome et qu’à Munich seulement résidait un nonce. Le gouvernement catholique-socialiste de Berlin attend d’un acte si nouveau et significatif une démonstration et une consolidation de l’unité allemande.

L’importance du Saint-Siège comme élément de reconstruction d’une Europe pacifiée se dégage ainsi comme une conséquence

  1. M. Georges Goyau a publié ici, sous ce titre, deux articles fort remarqués. « Voyez la Revue des 1er et 15 juillet 1919. Ils ont été depuis réunis en volume sous le même titre (Perrin, in-16).