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il faudra faire vivre l’Autriche ; la Tchéco-Slovaquie, par ses mines et son industrie, les Serbes, Croates et Slovènes par leur agriculture, peuvent y contribuer largement, et c’est une raison de plus pour les Français de se féliciter de la « petite entente » qu’ils viennent de conclure et qui déjà s’est agrandie.

Les trois grandes péninsules de l’Europe méridionale, ibérique, italique et balkanique, participent naturellement à l’ordre continental tel que le conçoit la France. L’Espagne, par sa situation géographique, se trouve à l’écart des affaires de l’Europe centrale ; elle ne laisse pas cependant que d’y avoir sa place ; elle a été, la première des nations restées neutres dans la guerre, admise à siéger au Conseil exécutif de la Société des Nations, et la France est fondée à espérer qu’elle la trouvera à ses côtés quand il s’agira des grands intérêts latins, méditerranéens, et de la consolidation de la paix.

L’Italie, qui a été belligérante, qui a acquis, dans la guerre, honneur, gloire et profit, souffre des conséquences économiques de la lutte, manque de charbon, cherté de la vie, dépréciation de la monnaie, et il arrive que l’opinion publique, dans sa mauvaise humeur, rende responsable la France de l’avoir entraînée dans une guerre à laquelle elle serait désespérée de n’avoir point pris part. Ce qui serait plus grave, ce serait que la diplomatie italienne, esquissant un rapprochement politique et économique avec l’Allemagne, la leurrât du chimérique espoir d’une révision du traité de Versailles et l’encourageât dans sa mauvaise volonté à exécuter ce qu’elle a signé. La loyauté de la politique de M. Giolitti et du comte Sforza a beaucoup fait pour dissiper de telles appréhensions. On a pu croire aussi, à certains moments et d’après certains journaux, que l’Italie souhaitait d’établir sur la crête des Alpes une frontière commune avec le Reich auquel elle semblait désirer que s’adjoignissent les provinces alpestres du Tyrol et de Salzbourg qui font partie du nouvel État autrichien ; l’Italie devrait avoir cependant de fortes raisons de ne point désirer un contact trop étroit avec la grande Allemagne, elle qui a bénéficié de l’annexion des vallées supérieures de l’Adige dont la population est de langue allemande et reste attachée au souvenir des Habsbourg et au germanisme.

Ces symptômes de mésintelligence ne sont, on peut l’espérer, que les conséquences passagères de l’état social et politique