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succès trop faciles recelaient de dangers. Que les nouveaux États comprennent enfin quelle est leur force et qu’elle ne peut résider que dans leur union !

Malheureusement, là comme ailleurs, et moins encore qu’ailleurs, la diplomatie des Alliés n’a pas réussi à présenter le front unique d’une volonté concertée. Nous avons vu comment la « politique des ports » a été parfois tentée de s’appuyer sur une Hongrie forte où régnerait un Habsbourg. Des alliances ou des accords comme ceux qui viennent de se conclure entre Tchéco-Slovaques et Yougo-Slaves, entre Roumains et Tchéco-Slovaques, entre Polonais et Roumains, et que nous souhaitons voir s’élargir encore, sont de nature à mettre les choses au point ; ils ne peuvent se proposer qu’un but : maintien des traités de Versailles, de Saint-Germain et de Trianon ; étroit accord avec les Alliés dans la mesure où chacun de ceux-ci est résolu à considérer comme intangibles ces mêmes traites et l’état territorial et politique qu’ils ont créé dans l’Europe centrale, résistance au bolchévisme.

La conséquence d’une entente fondée sur ces principes doit être d’aider à vivre et à se réorganiser les deux petits États qui portent les noms trop lourds d’Autriche et de Hongrie. Le second, grâce à son agriculture et à l’énergie laborieuse de ses paysans, retrouvera rapidement sa stabilité économique et prendra sa place, loin de toute influence allemande, dans un nouveau système danubien qu’il ne cherchera pas à régenter. On doit noter, comme un symptôme heureux, la reprise des relations diplomatiques, par l’entremise de la France, entre la Roumanie et la Hongrie. Quant à l’Autriche, nous avons développé ici déjà les graves difficultés qu’elle éprouve à constituer un État viable avec sa grande capitale découronnée de sa royauté politique, et les raisons de premier ordre qui font à l’Entente un devoir de maintenir son indépendance et de la soutenir. Les Tchéco-Slovaques et les Yougo-Slaves ne peuvent, pas plus que les Français, et moins encore peut-être, admettre que Vienne ne soit plus qu’une ville de province de la grande Allemagne qui viendrait s’interposer entre Prague et Zagreb et confinerait à la Hongrie, où elle entretiendrait des sentiments germanophiles et anti-slaves. Mais pendant la période, assez longue peut-être, où elle reconstituera sa vie économique et mettra en valeur ses richesses naturelles peu exploitées jusqu’ici.