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animé les uns contre les autres Polonais et Tchèques, aurait dû, comme celle du Banat de Temesvar, qui passionna Serbes et Roumains, être résolue, dès les premiers mois après l’armistice, par une décision arbitrale des Alliés. L’entente nécessaire des quatre peuples que nous avons appelés ici [1] les quatre piliers de l’Europe centrale : Tchéco-Slovaquie, Pologne, Roumanie, royaume des Serbes-Croates-Slovènes, en aurait été rendue singulièrement plus facile, car ces jeunes Etats, encore échauffés des passions de la lutte et manquant de l’expérience politique qui incline aux concessions réciproques, se montrent parfois intransigeants. Ils comprennent de mieux en mieux, — et c’est le rôle de la diplomatie française de leur faire entendre, — que le péril des uns menace directement les autres. Si la Pologne succombait, que deviendrait la Roumanie en face de la Russie des Soviets, et, si les deux sentinelles avancées vers l’Est étaient emportées, ne verrions-nous pas les Bolchévistes de Russie s’entendre avec ceux de Hongrie et d’Autriche et menacer la Tchéco-Slovaquie et le royaume yougo-slave dans leurs nouvelles frontières comme dans leur stabilité intérieure ?

Le 16 août, l’éminent M. Vesnitch, alors Président du Conseil de l’État serbe-croate-slovène, a reçu à Belgrade M. Benès, le ministre très avisé et très « européen » des Affaires étrangères de la République tchéco-slovaque ; les deux hommes d’État ont célébré « l’amitié et l’alliance » des deux nations slaves. C’est un premier pas très heureux. La « petite entente » se complète par un accord avec la Roumanie dont M. Benès, durant sa visite à Bucarest, a jeté les bases avec M. Take Ionesco. Enfin le prince Sapieha, ministre des Affaires étrangères, accompagnant à Paris le maréchal Pilsudski, chef de l’État polonais, a révélé qu’un accord défensif a été conclu récemment entre la Pologne et la Roumanie pour faire face au péril bolchéviste. On peut donc espérer que l’opinion publique, dans les États de l’Europe centrale, a compris qu’une Pologne forte est indispensable à leur sécurité. Si l’entente étroite que nous préconisions en 1919 avait été établie, non seulement l’existence et l’intégrité territoriale de la Pologne seraient assurées, mais encore les bolchévistes n’auraient jamais osé envahir son territoire et elle-même aurait été avertie de ce que ses premiers

  1. La reconstruction de l’Europe danubienne, dans la Revue du 1er juin 1919.