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vers l’Est. Quant aux États baltiques, dont l’Angleterre a rêvé de constituer une étrange Confédération dont le centre serait la mer et l’escadre britannique, ils ont droit à l’autonomie ; mais, trop faibles pour se suffire à eux-mêmes, ils ont besoin de la Russie comme la Russie reconstituée aura besoin d’eux ; ils deviendraient, dans une vaste fédération dont la Russie serait le centre, des pionniers de cette civilisation occidentale dont le peuple russe ne peut se passer dans sa lutte séculaire contre l’asiatisme. Ici encore l’ordre souhaité par la France a un caractère essentiellement constructif en même temps qu’émancipateur ; il vise à un aménagement de l’Orient slave, qui respecterait la personnalité de chaque peuple et qui, sans menacer l’Allemagne, contribuerait cependant à la maintenir inoffensive et à lui ôter jusqu’à la pensée d’une politique qui ne serait pas toute de réparation et de reconstruction pacifique. Par delà le bolchévisme destructeur, la nation française, qui fut l’alliée du peuple russe, ne veut voir que la Russie de toujours, qui est une pièce indispensable de son système continental et de l’ordre européen.


VIII

L’ancien Empire des Habsbourg s’est effondré ; des peuples très anciens ont constitué à sa place des Etats très nouveaux. L’émiettement, la « balkanisation » ont atteint dans l’Europe danubienne leur maximum, et un maximum d’efforts est aussi nécessaire pour reconstruire, sur un plan nouveau, un édifice dont l’état troublé de l’Europe orientale rend plus évidente que jamais l’urgente nécessité. Ici encore, la France travaille pour l’ordre dans l’intérêt général. Le danger qu’a couru la Pologne et qui peut renaître, montre les inconvénients de l’absence d’une grande Puissance dans le bassin moyen du Danube. Les jeunes États issus de la grande catastrophe de l’Empire dualiste ne savent pas encore mesurer l’importance relative des questions qui les intéressent seuls et de celles qui sont vitales pour l’ordre européen ; les Alliés vainqueurs auraient dû organiser avec plus d’autorité persévérante la solidarité de ces nouveaux États et régler leurs différends ; la loi qu’ils leur auraient dictée serait depuis longtemps acceptée. C’est ainsi que la question irritante de Teschen, qui a si fâcheusement