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souvent les plus heureux efforts pour agir de concert avec l’Angleterre, mais ils ont montré qu’il savaient au besoin se passer de son concours. Ne serait-ce pas, peut-être, le meilleur moyen de l’obtenir ? Quoi qu’il en soit, l’alliance franco-belge, si elle se complète, peut avoir des conséquences économiques, sociales et politiques, heureuses non seulement pour les deux pays intéressés, mais pour l’Europe entière et pour la paix générale ; elle constituerait une base un peu étroite peut-être, mais solide, pour un nouvel ordre européen.

L’ordre en Allemagne est une condition nécessaire de l’ordre en Europe. Nous nous sommes expliqué déjà ici [1] sur la politique des Alliés à l’égard de l’Allemagne, et nous avons montré son insuffisance et son incohérence. L’Allemagne, après la catastrophe de la défaite et de la révolution, n’a pas retrouvé son équilibre parce que le parti socialiste nationaliste au pouvoir s’est montré plus unificateur et centralisateur que le gouvernement impérial, tandis que le sentiment des populations réclamait une organisation fédéraliste fondée sur l’autonomie des principales régions historiques. Le nivellement politique et social que cherchent à réaliser les factions au pouvoir cache la réalité qui reste particulariste, surtout dans l’Ouest et le Sud, qui savent par expérience ce que coûte et où conduit le système prussien. Dans la crise du mois d’août, en face des armées du bolchévisme russe s’approchant de Varsovie, l’Allemagne est restée hésitante et divisée contre elle-même ; à droite, les hobereaux de l’Est et tous les éléments restés pangermanistes, à gauche, les révolutionnaires extrémistes, cherchaient à entraîner le Gouvernement à pactiser avec l’invasion rouge ; la caste militaire et gouvernementale prussienne risquait le tout pour le tout ; elle voulait d’abord assouvir sa rage contre les Polonais dont la renaissance nationale ébranle les assises politiques et sociales delà vieille Prusse ; une fois débarrassée du péril polonais, elle comptait bien reconquérir ses privilèges, arrêter le bolchévisme par une entente avec les éléments russes anti-communistes et sceller de nouveau, sur le cadavre de la Pologne, le pacte de complicité dans l’assassinat d’une nation. Ludendorff lui-même ne disait-il pas que la politique allemande devait pratiquer une entente étroite avec la Russie, ce qui, ajoutait-il, ne signifie pas

  1. Voyez la Revue du 15 février 1920 et notre livre : La reconstruction de l’Europe politique (1 vol. in-8 ; Perrin).