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psychologiques, historiques, économiques pour lesquelles l’Angleterre a d’abord reculé devant l’option et a été entraînée à faire seule une politique d’intérêts commerciaux.

Lorsqu’il s’agit d’un système continental, les fondements doivent en être sur le continent. C’est ce qui, pour la France, donne un prix tout particulier à l’alliance défensive qu’elle vient si heureusement de conclure avec la Belgique.

Petite par le nombre de ses citoyens, la Belgique est grande par son activité intellectuelle, économique ; surtout, par le magnifique exemple qu’elle a donné au monde, elle est un vivant symbole du triomphe des forces morales sur l’égoïsme des intérêts et sur la brutalité des convoitises. Presque toutes les erreurs qui sont au passif de la Confère née de la paix procèdent de l’aberration initiale qui a fait classer la Belgique parmi les Puissances « à intérêts limités, » et l’on s’étonne que les plénipotentiaires français se soient jamais résignés à y souscrire. L’alliance défensive de la France avec la Belgique est la plus logique et la plus nécessaire qui soient sorties des événements de la guerre, les deux pays, victimes de la même agression, montent côte à côte la garde sur le Rhin, et il n’y aurait d’ordre et de sécurité pour aucun État en Europe, si cette garde cessait d’être vigilante et forte. Avec son bon sons expérimenté et prévoyant, le grand diplomate que fut Edouard VII disait : « La frontière de l’Angleterre est sur le Rhin. » De fait, les soldats anglais, vainqueurs avec les nôtres, y sont présents à côté des nôtres, mais on ne peut que regretter que cette solidarité militaire de fait ne se traduise pas toujours en une collaboration politique plus étroite.

L’alliance défensive contre la France et la Belgique ne constitue pas un système fermé ; elle est un noyau, un centre de cristallisation appelé à se développer et autour duquel sont cordialement invités à se grouper les États qui accepteront les mêmes principes d’ordre européen, de paix internationale et sociale. Le gouvernement de M. Clemenceau avait établi toute sa politique sur l’illusion qu’il était possible d’organiser avec l’Angleterre une collaboration dans tous les cas et pour toutes les occurrences ; le mérite de M. Millerand a été de se rendre compte qu’une réalité même modeste est plus importante, en politique, que les plus brillantes espérances ; certes, M. Millerand et ses successeurs ont fait et continuent de faire les plus méritoires et