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ralenti, tant s’en faut. Que créer une organisation économique mondiale, dans laquelle l’Allemagne aurait sa place et où le premier rôle appartiendrait à l’Angleterre, puisse devenir un puissant moyen de prévenir des conflits futurs, nous l’accordons volontiers ; mais la vie des peuples a des besoins plus complexes et plus élevés que le négoce. Nous sommes fondés, comme ayant à la fois plus d’intérêt à éviter toute espèce de troubles continentaux et plus d’expérience à les prévenir, à demander à l’Angleterre, si elle souhaite de poursuivre sa politique européenne en harmonie avec la nôtre, de nous faire confiance et, moyennant entente préalable, d’appuyer de toute son autorité nos efforts. La maison européenne habitable dont nous avons besoin, nous désirons passionnément l’édifier avec nos amis anglais ; nous avons déjà consenti de grands sacrifices pour y réussir. A eux de se rendre compte que la construction est, pour nous, un intérêt, au sens plein du mot, vital.


VII

L’ordre que la France attaquée et victorieuse souhaite d’établir en Europe possède ce privilège rare que, tout en étant le plus favorable aux intérêts français, il est en même temps le plus propre à construire une Europe pacifique en conformité avec les principes de justice internationale tels qu’ils ont été préconisés par les Alliés durant la guerre, et même tels qu’ils ont été formulés par le président Wilson dans ses quatorze points : c’est, une fois de plus, la marque des destinées de la France qu’en stipulant pour elle-même, elle travaille en même temps pour le bien général.

Le fondement solide de la reconstruction de l’Europe aurait pu être, — ainsi l’avait-on imaginé et espéré en France dans l’enthousiasme sacré de la Grande Guerre, — l’alliance inébranlable des trois Puissances qui ont subi le choc de l’invasion allemande et qui l’ont brisé : Angleterre, Belgique, France. Il ne tient qu’à l’Angleterre qu’il en soit ainsi. L’accord parfait de ces trois volontés et de ces trois forces matérielles et morales aurait dicté à l’Europe la loi de justice et souverainement arbitré tout différend. Les autres Etats alliés auraient suivi les mêmes voies et renforcé leur autorité. Le désordre et le trouble sont sortis de leur désaccord. Nous avons montré les raisons