Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’an 400 avant J. -G., un des cinq chevaliers, chefs de cavalerie, tués à Coronée et qu’on voit, à cheval, luttant contre l’ennemi ; celui de Dionysos surmonté d’un taureau superbe. Je suis monté au Pnyx, la colline rocheuse où se tenait l’Assemblée du Peuple : la tribune la couronne encore, taillée à même le marbre du roc, la tribune de Démosthène. Sur un rocher l’Assemblée du Peuple ! Sur un rocher l’Aréopage, tribunal suprême ! Sur un rocher le Parthénon ! Les Romains ont mis leur forum dans un bas-fond, nous avons construit Notre-Dame au ras de l’eau : ici, pour les fonctions publiques, les hauts lieux, in altis. Ah ! le noble peuple ! De cette tribune, l’orateur avait en face de lui l’Acropole, les temples, Pallas Athèné ; l’hémicycle de ses auditeurs, la mer, la vaste baie, Salamine, les eaux libératrices, où les ancêtres avaient vaincu la barbarie et ouvert, avec le libre génie grec, toute l’implacable et progressive évolution de la pensée humaine. Puis j’ai gravi la hauteur du Mouséion, où, vers dix heures, blotti dans une niche du monument de Philoppapos, bien assis, bien accoudé, la tête appuyée aux débris d’un quadrige, j’ai regardé longtemps la lumière jouer sur les Propylées. Et ce vers, de Baudelaire, je crois, me chantait à l’oreille :


Oh ! qui rendra jamais ta grâce et ta beauté !


Et enfin, vers midi, une dernière halte dans la salle des Panathénées, devant l’éphèbe voilé et sombre qui conduit le taureau au sacrifice, devant le cavalier élégant et souple qui, se retournant à demi, retient son cheval en attendant le cortège. La noble vie ! le noble peuple !

J’ai déjeuné à l’hôtel ; j’avais dans le dos la table correcte des diplomates ; on parlait Grand Prix, tennis, potins de Paris.


Même jour, minuit.

J’ai dîné chez Bakhmetief, avec le ministre d’Angleterre, Egerton, ancien conseiller de l’ambassade de Paris, le secrétaire de la Légation russe, et deux Grecques, intelligentes et charmantes. La rupture de glace s’est vite faite sur le nom de mon ami R... qui a laissé ici un souvenir de choix, car il aimait, comprenait et parlait la Grèce, et ne se croyait pas tenu de professer un spleen de boulevardier exilé.

Le Grec d’Orient, que ton frère ne connaît que trop, est