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le monde ; elle y a sa place marquée, spécialement en ce qui concerne la civilisation chrétienne ; elle a en outre le génie de la propagande ; lorsqu’elle prend une bonne direction, elle peut rendre les plus grands services à l’humanité, comme aussi, si elle en prend une mauvaise, elle peut porter l’incendie partout, comme cela est déjà arrivé.

Le Saint-Siège a voulu épargner à cette illustre nation une lutte religieuse qui aurait été des plus funestes ; et pour atteindre ce but, il la fait des prodiges de longanimité et de patience ; il a voulu renforcer « l’autorité constituée, pour qu’elle ne dégénérât pas en démagogie, en lui amenant les éléments conservateurs qui sont très nombreux, quoique un peu divisés, et en leur donnant le conseil d’adhérer à la république, qui représentait en ce moment la seule autorité constituée dans le pays. Ce qui importait désormais, c’est qu’il y eût en France un gouvernement sage, honnête et respectueux de la religion, afin d’être solide à l’intérieur et respecté à l’étranger. Tel était le principal désir du Saint-Siège.


Et le Tsar de répondre qu’il était « heureux, lui aussi, que les intérêts et les vues du Saint-Siège et de la Russie relativement à la France fussent, bien que distincts, en si complète harmonie. » L’évocation de l’alliance franco-russe, sur les lèvres du cardinal Ferrata, ne servait pas seulement la paix du monde, mais aussi la paix intérieure dans les deux nations alliées.

Son tempérament personnel et la conception qu’il se traçait de ses fonctions de nonce faisaient de Mgr Ferrata un actif auxiliaire de l’esprit de paix : paix entre les évêques et paix entre les religieux, paix entre les partis et paix entre les États, paix entre le magistère supranational de l’Eglise et les pouvoirs nationaux. Et voici que ces Mémoires écrits en français, à la minute précise où ils surviennent, acquièrent le relief d’un message de paix, qui vise la France. Outre-tombe, le cardinal Ferrata fait encore un acte politique : au nom de l’histoire, il désarme les adversaires de l’institution d’une nonciature ; les lueurs mêmes dont il illumine le passé balaient les derniers lambeaux de nuages qui retardaient encore les aurores nouvelles.


LÉON GRÉGOIRE.