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partie des forces ennemies, ces lignes de M. Piou faisaient une place à l’action du Saint-Siège ; la publication du cardinal Ferrata nous apporte de curieuses précisions. On y voit, dès 1893, la Papauté se préoccuper des troubles que pouvaient susciter en Russie les persécutions dirigées contre les catholiques. Le cardinal Rampolla écrivait au nonce de Paris :


La parole du Pape dénonçant au monde ces persécutions pourrait amener des conséquences considérables, et même une rupture avec le Saint-Siège, dont profiterait tout au moins la politique hostile à la France. Les excitations ne manquent pas de par ailleurs pour pousser les choses à ce point. Le Saint-Siège ne se laissera pas entraîner dans ses actes par ces influences intéressées, n’ayant en vue que le bien des âmes, mais si la situation religieuse ne s’améliore pas en Russie et en Pologne, l’obligation de remplir des devoirs sacrés, supérieurs à la politique humaine, pourrait exiger du Saint-Père ce qu’il voudrait pouvoir éviter.


Et le cardinal Rampolla suggérait à Mgr Ferrata que M. le comte de Montebello, ambassadeur en Russie, « pourrait peut-être s’employer, dans les limites permises par sa situation officielle, à faire modifier l’altitude du Gouvernement russe envers l’Église catholique, » et rendre ainsi « service, non seulement à la cause de la religion, mais aussi aux intérêts politiques de la France et de la Russie. » Mgr Ferrata, dont la démarche fut très bien accueillie de notre ambassadeur à Pétersbourg, aimait à penser que si de nombreuses causes avaient contribué à la nomination de M. Iswolski comme ministre plénipotentiaire à Rome, et à l’amélioration de la situation religieuse en Russie, l’influence du Gouvernement français, et spécialement celle du comte de Montebello, n’y avait certainement pas été étrangère.

En octobre 1896. un mois avant son départ de Paris, le cardinal Ferrata, reçu par le Tsar Nicolas comme doyen du corps diplomatique, lui disait :


C’est une chose très heureuse et très avantageuse que la politique du Saint-Siège et celle de Votre Majesté se trouvent parfaitement à l’unisson, par rapport à la France. Tandis que le Saint-Père a mis généreusement au service de cette noble nation la force morale dont il dispose, Votre Majesté a apporté l’appui de sa puissance militaire et politique. Votre Majesté ne pouvait la placer plus noblement et plus utilement ; la France, à cause de la générosité et de l’ardeur de ses enfants, est le pays qui a le plus d’influence sur les idées qui agitent