Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été d’obtenir une voie ferrée en Chine et un cardinal français à Rome. J’ai obtenu la première concession, et j’espère bien obtenir la seconde, car ce serait malheureux que la Chine se montrât plus condescendante que le Saint-Siège. Quant au choix du cardinal, je m’en remets complètement au jugement du Saint-Père. » La République française, au moment où Mgr Ferrata prenait congé d’elle, se montrait ainsi soucieuse de consolider ses positions à Rome.

Quelques années devaient suffire à modifier l’horizon politique... Mais dans son lointain observatoire romain, le cardinal Ferrata, qui devait mourir trop tôt pour pouvoir assister au début des résipiscences, garda du moins un attachement tenace à notre « sympathique et chevaleresque pays et à cette illustre et antique Église dont la gloire ne fut jamais obscurcie dans aucune persécution, » et qui l’avait « tant édifié par la prodigieuse fécondité de ses bienfaisantes initiatives, par ses missions répandues dans le monde entier, par ses œuvres admirables de charité. » Et la France, même séparée de l’Église, possédait à Rome, sous la pourpre de Mgr Ferrata, une amitié précieuse, toujours prête à témoigner en faveur de l’âme française.


V

Les Mémoires nous montrent l’influence considérable qu’eut sur l’alliance franco-russe la politique du Saint-Siège à l’égard de la République. Déjà, dans le Figaro, au moment du premier voyage à Paris du Tsar Nicolas II, M. Piou avait pu écrire :


La grande scène de Cronstadt, aujourd’hui historique, est bien, quoiqu’on affecte de l’oublier, la conséquence et la victoire de la politique pontificale... Léon XIII a eu le bonheur inespéré d’attirer à la France, par la seule force de son exemple, une amitié qui est pour elle une sauvegarde. Grâce à lui, la fille aînée de l’Église n’est plus seule dans le monde en face de ses adversaires coalisés.

Le baron de Mohrenheim, ambassadeur de Russie à Paris et catholique fervent, me dit plus d’une fois et l’a répété à beaucoup d’autres, que le Gouvernement russe ne se serait pas décidé à nouer une alliance politique avec la République française si le Pape n’avait été le premier à l’appuyer de son autorité morale.

Dans l’histoire de l’alliance qui, durant les deux premières années de la Grande Guerre, a retenu loin de nos frontières une