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Derechef, en 1895, il put redouter « une tempête gigantesque dans laquelle aurait été submergée la politique de pacification engagée par le Saint-Siège. » Au sujet des nouvelles obligations fiscales qui pesaient sur les congrégations, et qu’avait d’ailleurs fait alléger dans une certaine mesure l’action du Vatican, l’opinion catholique était divisée. Lazaristes, Sulpiciens, Pères du Saint-Esprit, prêtres des Missions étrangères, Frères de la Doctrine chrétienne, estimaient impossible de compromettre leurs grandes œuvres en refusant de se soumettre à la loi. « Puis-je exposer à un grave danger mon institut et les œuvres d’éducation qui en dépendent, disait à Mgr Ferrata le supérieur général des Frères, pour ne point payer annuellement une somme de vingt-cinq à trente mille francs, qui, répartie entre les douze cents maisons, ne constituerait qu’une charge de vingt-cinq à trente francs pour chacune ? » Cependant, en face de ces congrégations, d’autres surgissaient, préconisant la résistance passive ; et Mgr Ferrata concluait, des impressions mêmes du cardinal Richard, que cette mobilisation pouvait s’expliquer par le « sentiment chrétien, blessé d’une mesure hostile à l’Église, mais qu’il y avait là, aussi, quelque chose d’artificiel et de politique. » Le Saint-Siège et la nonciature redressèrent les esprits en faisant comprendre que les congrégations qui acceptaient la loi ne lésaient en aucune façon l’intérêt général de l’Église, et qu’il laissait toute liberté, soit de se soumettre, soit de résister passivement. Chaque congrégation devint ainsi seule juge de ses intérêts, seule maîtresse de ses décisions ; et cette parole libératrice, en faisant échec à certaines contraintes d’embrigadement, vengea du reproche de « poltronnerie » les instituts religieux qui déféraient aux demandes du fisc. Ce n’était pas à tort que, dès février 1895, Mgr Ferrata avait dit au ministre des Affaires étrangères : « Je vois se présenter avec une grave appréhension la question fiscale concernant les congrégations, car je la considère comme un grand obstacle à la paix religieuse. » Mais, grâce à l’intervention romaine, la paix passait outre à l’obstacle.

Ce même Mgr Ferrata, qui, dans sa jeunesse, avait entendu prédire que Mgr Czacki serait contraint de fermer la nonciature, avait l’émotion, en juillet 1896, le jour même où à l’Elysée il recevait la barrette cardinalice, de s’entendre dire par M. Hanotaux : « Durant mon ministère, mes deux principaux désirs ont