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La vivacité du tempérament, un zèle moins mesuré, un caractère militant, la conviction qu’une résistance aurait amené de meilleurs effets, et surtout l’irresponsabilité des résolutions à prendre et de la bataille à conduire, peuvent bien parfois produire chez certaines natures quelques divergences d’opinion et quelques appréciations plus ou moins raisonnées sur la politique suivie par le Saint-Siège ; mais là encore il n’y a aucun danger. L’obéissance sera complète, et l’adhésion du cœur et de l’esprit aussi.


Mgr Ferrata, joyeux, recopiait ces pronostics, et puis il y ajoutait certaines nuances. Les évêques du Nord apparaissaient au nonce comme plus empressés dans leur adhésion que leurs confrères du Midi, auxquels s’imposait la nécessité de ménager les dévouements catholiques demeurés fidèles aux anciens partis. Et répercutant jusqu’aux oreilles du Pape les « clameurs » d’une certaine presse et de certains salons, Mgr Ferrata concluait avec équité : « Étant donné ces clameurs, il serait difficile d’obtenir des évêques une action plus énergique ou plus ouverte en faveur de la politique du Saint-Siège. » Rome avertie comprenait dès lors les difficultés avec lesquelles devait compter l’épiscopat de France. C’était chez ce diplomate, non seulement une vertu intellectuelle, mais une vertu morale, de savoir mesurer les obstacles avant de jeter le doute sur les bonnes volontés qui s’y heurtaient.

Au jour le jour, il guettait les symptômes qui permettaient d’augurer que dans les sphères d’État les intentions pacifiques de Léon XIII allaient trouver un écho. C’était M. Carnot lui témoignant « le respect qu’il avait pour la religion, son admiration pour le Pape Léon XIII, son vif désir de voir aboutir en France la pacification religieuse, et usant plus d’une fois de son influence, bien que d’une manière discrète, pour détourner les ministres de telle ou telle injuste vexation contre le clergé. » C’était M. Constans partant pour Toulouse en juin 1893 en disant à Mgr Ferrata : « Pourquoi ne devrait-on pas répondre aux avances du Saint-Père ? Vous verrez que je serai presque aussi clérical que vous ; » et puis proclamant effectivement, devant les Toulousains, que « puisque les catholiques, obéissant à l’ordre donné par le chef de la catholicité, déclaraient renoncer aux hostilités, il fallait les suivre sur ce terrain nouveau. » C’était M. Develle, ministre des Affaires étrangères, expliquant au nonce, au lendemain des élections de septembre