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de celui qu’ils se proposent. En fait, dans le plus grand nombre des départements, l’intervention directe et publique des évêques en matière d’élections, non seulement n’est pas utile à la cause conservatrice, mais lui est plutôt nuisible. Tous les catholiques sensés sont de cet avis, et l’expérience le confirme.


De fait, Mgr Ferrata voyait certains hommes politiques s’armer de ces feuillets pour invoquer contre l’Église les rigueurs de l’État ; et le geste de l’évêque de Grenoble retirant son catéchisme électoral avant même que le conseil d’État n’en eût jugé, — geste qualifié de « sage démarche » par le cardinal Rampolla, — servit d’exemple aux trois autres évêques que le conseil d’État frappa. Des polémiques superficielles accusèrent alors le Saint-Siège et son représentant d’avoir acculé les évêques à une capitulation ; le nonce, au contraire, jaloux de soutenir leurs droits théoriques et de sauvegarder pleinement leur dignité, avait voulu qu’en sacrifiant eus pages momentanément irritantes, ils apparussent comme faisant acte d’obéissance, non pas au gouvernement, mais à l’autorité légitime du Pape, ce qui, pour un évêque, ne saurait avoir rien de dur.


IV

Dans cette partie si complexe où des intérêts si graves étaient engagés, où des anxiétés si respectables étaient mises en émoi, c’était le rôle de Mgr Ferrata, d’amener à se comprendre mutuellement les susceptibilités qui s’affrontaient. Au lendemain de l’encyclique de février 1892, où Léon XIII précisait ses directions et ses désirs, le Pape fit demander un rapport à son nonce sur l’accueil fait par l’épiscopat à ce document. Le futur cardinal Bourrel, évêque de Rodez, renseignait Mgr Ferrata :


Il peut bien, lui écrivait-il, y avoir quelques regrets parmi certains prêtres et certains évêques un peu plus attachés par leur éducation, ou leur tradition de famille, aux anciens régimes ; mais, outre que ces personnes sont peu nombreuses, soyez persuadé que l’esprit de soumission et d’obéissance, qui est complet chez nous, mettra facilement au second rang ces regrets et ces vieux attachements. Il y aurait plutôt à craindre quelque mécontentement intérieur parmi les membres du clergé et des congrégations religieuses, plus ardents par caractère, en face de la condescendance du Pape vis-à-vis d’un gouvernement qui ne se montre guère reconnaissant de ces avances.