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le 6 décembre 1891 ! Un député venait lui dire : « Si les évêques veulent arriver à la séparation de l’Eglise et de l’Etat, ils ont été logiques dans leurs manières d’agir ; mais si telle n’a pas été leur intention, ils ont eu tort de se conduire comme ils l’ont fait : la responsabilité des événements ne retombera pas sur les catholiques, mais sur le clergé. » Le visiteur qui s’exprimait ainsi n’avait pas le renom d’un opportuniste ; il s’appelait Albert de Mun. L’appréciation était « un peu sévère et pessimiste, » ajoute l’auteur des Mémoires ; elle ne pouvait pourtant être négligée.

Quelques semaines après — le 20 janvier 1892 — Mgr Ferrata était prévenu par l’archevêque de Paris que la presse publierait, quelques heures plus tard, une déclaration collective des cinq cardinaux. Si le nonce n’en avait pas reçu connaissance, disait Mgr Richard, c’était « par un sentiment de délicatesse, et afin que la responsabilité de cet acte ne pût retomber en aucune manière sur le représentant du Saint-Siège. » — « Raison qui ne me parut pas du tout convaincante, » avoue Mgr Ferrata. Mais lorsque le concert entre les cinq cardinaux fut, en vertu d’une jurisprudence archaïque, taxé d’illégalité, et lorsque Mgr Ferrata reçut l’avis officiel qu’en raison de sa forme collective la déclaration cardinalice allait être déférée au conseil d’État, les Éminences qui ne l’avaient pas pris pour confident le trouvèrent comme avocat d’office. « La mission de paix que m’a confiée le Saint-Siège va être compromise, » déclara-t-il au gouvernement ; et cette « mission de paix » était déjà si respectée, grâce au missionnaire, qu’on entendit M. Léon Bourgeois faire en substance cette déclaration : « Je représente dans le cabinet l’opinion avancée, mais je n’hésite pas à dire que si le Conseil est persuadé, après les paroles du Nonce, que l’appel comme d’abus contre les cinq cardinaux peut amener une rupture avec le Saint-Siège, il doit s’abstenir de prendre cette résolution. »

On vit bientôt tourbillonner, dans l’atmosphère politique, quelques feuillets relatifs au devoir électoral, et qui s’ajoutaient comme supplément à certains catéchismes diocésains. Sans contester qu’en principe les évêques fussent éminemment qualifiés pour rappeler aux fidèles que la conscience morale est engagée dans l’accomplissement du devoir civique, Mgr Ferrata notait :


Ces matières électorales sont très délicates, spécialement en France, et les évêques doivent user de grande prudence et de grande circonspection, s’ils ne veulent pas aboutir à un résultat tout différent