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de la politique ni de « flatter » les vainqueurs, mais d’ « empêcher que la religion, en voulant ressusciter des partis, respectables sans doute, mais morts dans l’opinion du peuple, ne descendît avec eux dans la tombe ou ne perdit tout au moins ses principales prérogatives de jeunesse et de vie. » Les traditions d’indépendance de l’Église, le souci de virginité politique où se retranche volontiers son impartiale sérénité, l’induisaient ainsi, brusquement, à proposer aux catholiques de France une orientation si neuve, que le nonce à Paris, Mgr Rotelli, avait, tout le premier, une « attitude embarrassée et hésitante. » Léon XIII, en juillet 1891, le remplaça par Mgr Ferrata.


III

La grande fresque historique où l’éminent prélat déroule sa nonciature de France, et qui ne remplit pas moins de deux volumes, nous rappelle ces tableaux qui n’apparaissent en pleine lumière qu’à la faveur d’un certain recul. De même le recul du temps sera-t-il propice à ces Mémoires, en les soustrayant à l’emprise des polémiques. Beaucoup de nos hommes politiques peuvent dès maintenant y trouver quelques fragments de leur propre histoire, y ressaisir certains éclairs de pensée, certains cris ou certaines boutades, dont le souvenir peut-être s’est aboli dans leur propre mémoire, et qu’avec son respectueux souci de comprendre les esprits les plus différents du sien, le nonce enregistrait et commentait. Et ces relations mêmes attestaient que Mgr Ferrata considérait sa besogne de nonce comme une collaboration constante avec les autorités de l’État non moins qu’avec celles de l’Église pour le bien moral du pays.

Mais cette collaboration délicate, ce n’étaient pas seulement les adversaires de la politique de Léon XIII, c’étaient parfois les amis mêmes de cette politique qui risquaient de la compromettre. Car ceux-ci, pour faire plus aisément accepter par leurs coreligionnaires les instructions du Saint-Siège, « répétaient que leur intention était d’entrer dans l’édifice républicain pour en chasser tous les éléments mauvais. » Et Mgr Ferrata d’observer, dans une page singulièrement significative :


C’était là une fanfaronnade inutile, qui n’avait d’autre effet que de stimuler les républicains à monter la garde devant la porte de la République et à en empêcher l’entrée par tous les moyens. C’était