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des chasses et des combats d’or, avec une perfection de travail dont nous avons toujours la naïveté de nous étonner quand nous la découvrons au delà des limites de notre petit horizon historique.

Mais ce qui est tout à fait inédit pour qui n’est pas venu ici, c’est la révélation de l’art archaïque antérieur à Phidias, l’art des VIe et VIIe siècles que les toutes dernières années ont révélé. C’est la fameuse série des statues féminines de l’Acropole, dressées en cercle dans une seule salle, fixant le visiteur assis au centre avec ce singulier et mystérieux sourire qui est leur caractéristique. Oh ! l’étrange obsession ! Un élève de l’école d’Athènes, — l’érudition ne respecte rien, — m’assure que le sourire étant la plus facile des expressions à rendre en sculpture, l’inexpérience des Primitifs voulant malgré tout vivifier leur œuvre est la seule cause de ce « leitmotiv. » Je ne sais ce que vaut l’explication : je préférerais qu’elle fût autre et qu’il y eût quelque chose de voulu dans ce sourire hallucinant, sans rien de gai, qui me rappelle surtout ce soi-disant sourire des morts que nous avons, hélas ! tous vu.

J’ai déjeuné chez le Chargé d’Affaires de Russie, M. Bakhmetief, ami de beaucoup des miens. À la bonne heure, voilà un accueil, et quelqu’un, enfin avec qui causer ; il sait et aime ce pays avec passion, son chez-lui est encombré de souvenirs, d’aquarelles, de livres locaux, et il a choisi une maison à terrasse dans l’ancien quartier, loin des Légations et des hôtels, mais au pied de l’Acropole.


Mercredi, 7 juin.

Le vent est tombé, la belle sensation de l’arrivée est revenue, de matin, à l’aube, c’était la grande féerie. Dès 4 heures et demie, le soleil m’a éveillé, et, de mon lit, je voyais étinceler l’Acropole, pâmée dans la lumière sous l’étreinte de Phébus immortel, surgissant en face, derrière l’Hymette. (Toutes mes excuses, mais, vraiment, si un peu de mythologie est excusable, c’est ici.) Tu penses si j’ai été vite debout et ç’a été, toute la matinée, une lente promenade. Je l’ai commencée dans la vieille ville marchande, celle d’Adrien, — j’ai traversé les vestiges de l’Agora. — Au Céramique, je suis entré par la porte de la route sacrée, celle d’Eleusis, dans une rue de tombeaux encore debout, quelques-uns intacts : celui de Dexileos, mon collègue