Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/399

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyens à prendre pour obtenir une plus grande identité de vues et d’action dans le corps épiscopal, indiquait qu’il était temps, pour les laïcs catholiques, « de laisser de côté les intérêts privés et secondaires, les intérêts politiques, quelque respectables qu’ils fussent, de renoncer à une opposition systématique contre le gouvernement existant, et, par-dessus tout, de cesser d’identifier cette opposition avec la cause catholique. »


Je faisais valoir, ajoute-t-il, une autre considération : l’influence plus grande que les députés conservateurs acquerraient au Parlement, s’ils se plaçaient sur le terrain légal pour défendre les intérêts de la religion. Le gouvernement, dans ce cas, serait amené peu à peu à tenir compte de leur appui, surtout quand il se trouverait poussé par les radicaux à des mesures révolutionnaires : l’axe parlementaire serait ainsi déplacé, et l’on verrait disparaître cette concentration républicaine qui avait produit l’impuissance du parti conservateur et entraîné toutes les mesures hostiles à l’Église.


Léon XIII, à qui le cardinal Place, archevêque de Rennes, parlait à son tour, en avril 1890, des « profondes racines jetées dans le pays par le régime républicain, » sentit se préciser en sa pensée l’idée d’une manifestation dont, un instant, le cardinal Place parut chargé ; le soin et la responsabilité en furent finalement confiés au cardinal Lavigerie. Le toast d’Alger, du 12 novembre 1890, fît assurément plus de bruit que ne le souhaitait la cour pontificale, qui n’y retrouvait, nous dit Mgr Ferrata, « ni ses traditions diplomatiques ni ses habitudes. » Mais Léon XIII, lui, « ne témoigna aucune surprise, connaissant de longue date la nature riche et ardente de Mgr Lavigerie, et loua le cardinal d’avoir choisi une circonstance aussi propice, obligeant ainsi le public à prêter attention à ses paroles. »

Forcer l’attention, voilà ce qu’avait voulu l’archevêque d’Alger ; on ne peut nier qu’il eût réussi. « Plusieurs fois déjà, expliquait-il à Mgr Ferrata, j’avais développé la doctrine de l’Eglise par rapport aux formes de gouvernement. Cette fois-ci, l’opinion publique s’est émue, et c’était là mon but principal. » Il y avait d’ailleurs une limite à garder, et certaine lettre qu’écrivit alors Mgr Fuzet paraissait à Mgr Ferrata « contenir des paroles trop vives et certainement inutiles à l’adresse des partis monarchiques. » Mgr Ferrata maintenait, avec une grande altitude de vues, qu’il ne s’agissait ni de « blesser » les vaincus