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il quitta Bruxelles, ces mêmes journaux libéraux qui cinq ans plus tôt l’avaient menacé l’escortaient de leurs regrets, et le Journal de Bruxelles, commentant ce changement d’attitude, écrivait : « Si le parti libéral est revenu à des idées plus saines, Mgr Ferrata y a largement contribué. » La conception même d’une nonciature, suspecte en 1885 à toute une partie du peuple belge, était, en 1889, unanimement comprise et acceptée.


II

De longue date ce prélat connaissait la France ; de longue date, il avait senti que la politique suivie par les catholiques au début de la troisième République devait se modifier au gré des circonstances nouvelles. Pie IX tout le premier, — Mgr Ferrata nous révèle ce détail, — en avait eu l’intuition, le jour où il disait à Mgr Czacki : « Mon successeur doit s’inspirer de mon attachement à l’Eglise et de mon désir de faire le bien ; quant au reste, tout a changé autour de moi ; mon système et ma politique ont fait leur temps, mais je suis trop vieux pour changer d’orientation ; ce sera l’œuvre de mon successeur. » Dès l’automne de 1879, Mgr Czacki, envoyé par Léon XIII auprès de la « République des républicains, » — auprès de Gambetta, — inaugurait une méthode dont Mgr Ferrata, alors auditeur à la nonciature de Paris, nous explique ainsi l’esprit :


De même que la Papauté, jadis, au temps des monarchies absolues, empêchait la religion de devenir une chose d’État, de même, aujourd’hui, sous les régimes démocratiques, elle doit empêcher la religion de devenir une chose de parti ; et lorsque des hommes politiques, même très ardemment pieux au fond du cœur, établissent une si intime solidarité entre leurs opinions et leur foi, que leur religion risque de passer, aux yeux du public, pour un moyen de leur politique, il convient que le Saint-Siège et son représentant, déclinant toute complicité, élèvent au-dessus des contingences humaines ce christianisme dont i)s ont la garde. C’est ce que fit Mgr Czacki ; et lorsque, durant ma difficile nonciature, pour appliquer, en une crise plus aiguë, des instructions plus formelles encore, j’eus à dégager le Saint-Siège et les catholiques de tout lien avec les anciens partis, l’exemple de Mgr Czacki me fut un encouragement et une leçon.


« Ce sera sans doute le dernier représentant du Saint-Siège, » avait-on dit, d’abord, de Mgr Czacki. Mais celui-ci causait