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de restaurer en Belgique la représentation du Saint-Siège. Ses trois missions en Suisse, en 1863, 1884 et 1888, mirent un terme aux conflits aigus qui, durant les dernières années de Pie IX, s’étaient élevés entre certains gouvernements cantonaux de la Suisse alémanique et l’évêque de Bâle Mgr Lachat, et puis, par répercussion, entre le pouvoir fédéral et le Saint-Siège. La translation de Mgr Lachat aux fonctions d’administrateur apostolique du Tessin fut un moyen fort élégant de ramener l’harmonie dans les cantons septentrionaux et de préparer en même temps, pour les territoires helvétiques de langue italienne, les bases d’une nouvelle organisation ecclésiastique. Le jeune prélat qui répara les ruines du passé en concertant ces assises de l’avenir se révéla tout de suite comme expert en l’art de recoudre. Pour faire accepter à l’opinion catholique certains sacrifices d’amour-propre requis par les intérêts supérieurs de l’Église, et pour faire comprendre à la puissance laïque tout ce qu’il y a de respectable dans les jalouses fiertés des consciences religieuses, il fallait donner à cette opinion, à cette puissance, l’impression que le prélat qui entrait en contact avec elles envisageait avec un certain esprit de sollicitude leurs susceptibilités respectives : Mgr Ferrata excellait à donner cette impression.

Réinstallant à la fin de mai 1885 la nonciature de Bruxelles, qui depuis cinq années était sans titulaire, il apprenait que la fraction « libérale, » fraîchement vaincue, préméditait de faire accueillir le nonce par l’hostilité de la rue. Un sens achevé des nuances devenait nécessaire, pour éviter que le retour d’un représentant pontifical, succédant à la victoire électorale des catholiques, ne prît l’aspect d’une revanche politique. Il n’était dans l’esprit ni de Léon XIII ni de Mgr Ferrata, que la diplomatie vaticane rentrât dans les fourgons d’un parti vainqueur, ce parti fùt-il officiellement étiqueté catholique : le souci qu’eut Mgr Ferrata d’échanger rapidement quelques courtoisies avec Frère Orban, avec Bara, avec ceux-là mêmes qui naguère avaient distendu les liens entre la Belgique et le Pape, amena le parti libéral, dès 1886, à voter à l’unanimité les crédits de la légation de Belgique auprès du Saint-Siège. Tout en sachant calculer, comme l’exigeait un certain réalisme, les incidences de la politique sur la religion et les répercussions des faits parlementaires sur les destinées de l’Eglise, Mgr Ferrata veillait à ce que la religion fût dégagée de la politique. Lorsque, en 1889,