Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concurrence la plus dangereuse. Et Mme de La Fayette apprend le latin ; mais ce n’est pas au détriment de ses libres journées.

Ménage aurait voulu un peu plus d’assiduité, pour le latin et aussi pour lui-même. Il eut la gracieuse idée et l’amicale patience d’écrire à son élève des lettres latines, qu’elle s’efforcerait de lire, par courtoisie et par curiosité : car il avait soin d’y mettre des nouvelles, dont il la savait friande. Il lui disait en latin que la paix était signée entre la Hollande et l’Angleterre, que l’abbé de Bellesbat souffrait de la fièvre double tierce. Le 1er octobre, il lui annonce en latin sa visite pour le lendemain, tout de suite après le diner : si elle est seule, ils liront ensemble une héroïde ou quelque autre poème d’Ovide. Il la supplie de ne pas être paresseuse : Latinae linguae studium ne deseras, te etiam atque etiam hortor, mea carissima Laverna. Non magnus labor magnae olim voluptati tibi futurus est... Et, pendant qu’il est en train de l’exhorter, il la conjure également d’apprendre, sinon le grec, au moins les éléments : il lui envoie la grammaire de Lancelot.

Le grec, non ! Cependant, Ménage en avait écrit à Huet, qui l’engageait à n’être pas négligent : « et la belle Laverna en saura d’autant plus tôt la langue grecque. » C’est trop ! Et, à maintes reprises, Mme de La Fayette prie M. Huet de n’avoir pas d’illusion sur ses études : « Je ne parlerai pas de longtemps bon latin, si je continue, lui écrit-elle le 15 octobre 1662. Je n’ai pas étudié deux heures depuis six semaines ; mes voyages à la campagne m’ont bien renversé mes études. » Elle est allée à Livry, avec Mme de Sévigné, Puis, Ménage est « occupé aux louanges de feu M. le Cardinal. » Il prépare le recueil des Elogia, lequel ne paraîtra qu’en 1666 ; et nous ne sommes qu’à l’automne 1662 : rien ne presse. Ménage a l’air de se relâcher. Mme de La Fayette dit a Huet, le 14 novembre, que son commerce « est quasi rompu au pays latin, » parce que Ménage est occupé et parce que, dit-elle, « mon maître n’est pas ici. » Quel est son maître qui n’est pas M. Ménage ? Il s’agit probablement d’un répétiteur que Ménage avait mis auprès d’elle pendant qu’il avait tant à faire. Toujours est-il qu’elle profite de l’absence du maître et de l’occupation de Ménage pour n’être point tirée de sa « paresse naturelle. » Huet cependant ne craint pas de lui envoyer des vers latins, au mois de décembre. Elle les a lus. Elle ne veut pas faire l’entendue ; : elle a crié au