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recueil intitulé Elogia Julii Mazarini, où il y a du Corneille, du Segrais, du Voiture, du Racine, etc., recueil auquel il a donné ses soins et où il s’est mis en bonne place. Le Parlement négligea de protester, n’y pensa point. Le salutaire oubli protégea les vers latins de M. Ménage, avant de les ensevelir [1].

L’alerte a été chaude. Ménage a risqué la prison. Mais il crut s’apercevoir que ses amis devenaient plus fervents lorsque ses ennemis dépensaient plus d’activité. Il conserva les amitiés qu’il avait au Parlement, voire aux Enquêtes, et continua de solliciter pour Mme de La Fayette.


Le 26 août 1661, Huet, qui écrit à Ménage et lui parle de son amie, ajoute : « Et, pour son dessein d’apprendre le latin, elle ne devait pas l’abandonner. » Ce n’est donc qu’un projet, à cette date ; et voilà démentie l’anecdote qui, du Segraisiana, vint à passer dans toutes les biographies et selon laquelle Mme de La Fayette aurait, dès avant son mariage, su le latin mieux que Ménage et le Père Rapin.

Vers 1661, Ménage s’amusait à lui donner des leçons de latin. Mais il y eut de l’irrégularité dans cet enseignement, comme on le voit par les billets de Mme de La Fayette à Ménage. Une fois, elle le prie de venir le jour même. Elle ne sortira pas, vu qu’elle se fait peindre, — par un « très méchant peintre » que M. des Brosses lui a recommandé : — « Si vous venez un peu de bonne heure, nous pourrions étudier devant qu’on travaille à mon portrait. » Tout dépend de l’arrivée du peintre : et, l’important, c’est le portrait. Une autre fois, Ménage était convoqué. Mais il faut qu’à midi la gentille femme aille solliciter pour Monsieur de Limoges ; puis, entre une heure et deux, elle attend des gens de loi qui viennent la trouver pour un accommodement : « Ainsi, notre leçon serait trop courte et, comme elles ne sont pas fréquentes, il faut au moins qu’elles soient longues. Ce sera donc pour jeudi... » Les promenades, les procès et tout le hasard d’une vie remuante font au latin la

  1. Sur la querelle de Ménage et du Parlement, voir, dans le manuscrit n° 3307 de l’Arsenal, au folio 99, une longue lettre sans signature qui en donne toute la relation. L’auteur et le destinataire sont des Angevins ; l’auteur, un avocat. La lettre d’Alexandre Morus à Huet, dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale, fonds français, n* 15 189, p. 184.