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regardent, que je suis honteuse de laisser voir aux gens que je les ignore. Mandez-moi donc ce que c’est que ce bruit que font dans le monde les vers que vous avez faits, afin que je puisse répondre à ceux qui m’en parlent. » Cette histoire, au bout du compte, la regardait. Un avocat méchant homme affichait le projet d’écrire contre Ménage une satire où l’on raillerait sa prose et ses vers, où l’on raillerait ses amours. On commençait de chercher matière à plaisanterie dans les Poemata. L’on badinait sur l’enthousiasme qu’il montrait à l’égard de Mlle de Scudéry, Sapho gallica : n’irait-on point à Laverna ? L’on disait aussi que Ménage était sorti du bourbier où l’avait jeté sa fanfaronnade, mais qu’il n’en était pas sorti fort nettement, qu’il resterait « noté, » sans compter « le dommage. qu’il en pourrait recevoir en toutes ses affaires et l’impuissance où il est mis pour celles de ses amis, le Parlement se montrant si mal disposé pour ce nom-là que cela tout seul pourrait nuire au meilleur droit du monde qui paraîtrait y avoir la moindre relation. » Eh ! voilà ce qu’il ne fallait pas, au moment où Mme de La Fayette a si grand besoin de lui dans ses procès ! Voilà pourquoi il ne s’est pas vanté de ses hardiesses.

Il n’en dit rien non plus à son bon ami M. Huet, lequel d’abord n’apprit, à Caen, la calamiteuse prouesse de M. Ménage que par une lettre d’Alexandre Morus. Et Morus, lui, trouve l’anecdote assez bonne : « L’élégie de M. Ménage a fait grand bruit dans les parlements. Mais, après tout ce grand bruit, on s’est contenté d’en défendre la publication, ce qui serait le vrai moyen de la faire désirer, si mieux n’était pour cela de la réputation de l’auteur et du mérite de sa pièce : vous en jugerez. Je n’ai rien vu de meilleur sur cette matière. » L’opinion de Huet, nous ne la savons pas. Ménage lui écrit : « J’ai eu une grande affaire contre messieurs de la 1re et de la 2e des Enquêtes du Parlement de Paris qui prétendaient que je les avais appelés viles togas et qui expliquaient Palatinos penates par le Palais... » Il plaisante, un peu évasivement. Il est quasi hors d’ennui, ce 12 novembre, parce que la session du Parlement est close du 9. Cependant Guy Patin disait, le 10, que l’affaire n’était pas finie : mais il s’attendait qu’elle fût accommodée. Elle fut beaucoup mieux : oubliée. Ménage n’osa pas imprimer son élégie dans l’édition de ses Poemata de Hollande, en 1663. Mais il eut la tranquille effronterie de l’introduire, en 1666, dans le