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agréable... « Si vous vouliez bien, en cas que vous n’ayez point d’affaire, me venir prendre précisément a deux heures pour m’y mener, vous m’obligeriez tout à fait. Pendant que je serais chez l’avocat, vous iriez faire quelque visite et, si la consultation tirait de longueur, je donnerais ordre pour me venir requérir. Pour peu que vous ayez demain d’affaires, ne vous embarrassez pas de moi et venez ici samedi de bonne heure : nous irons nous promener. » Une autre fois, elle prie Ménage de la mener chez M. Foucault, l’un des conseillers lais de la Grand’Chambre : elle n’a pas un autre moment à lui donner ce jour-là. Une autre fois, Ménage la mènera chez M. Roujault et, premièrement, s’assurera d’une heure où l’on voie sans l’incommoder ce conseiller de la quatrième Chambre des Enquêtes : « C’est une affaire dont il faut que je rende compte à Monsieur de Limoges ; je serais perdue, si j’y avais manqué. » Cette affaire occupe beaucoup Mme de La Fayette et conséquemment M. Ménage : il est, par exemple, chargé de recommander, et « d’un bon ton, » deux placets à deux magistrats. L’un de ces magistrats, M. Roujault, les gens d’affaires de Monsieur de Limoges l’iront solliciter : M. Roujault leur dira que M. Ménage les a devancés, venant à la prière de Mme de La Fayette. « Ces sortes de choses-là font ma cour admirablement bien à mon oncle l’évêque. » Et elle soignait son oncle l’évêque.

Pour mettre en mouvement M. Ménage sans scrupule, elle avait imaginé ceci : que M. Ménage aimait à s’entremettre dans les procès. Elle n’inventait pas qu’il aimât de lui rendre service. Et puis, elle savait le récompenser : « Je ne sortirai point cette après-dinée. » Autrement dit : venez ! Ou bien : « Je vous remercie mille et mille fois du soin que vous avez eu de la sollicitation dont je vous avais chargé. Je ne sais pas comment je pourrais faire pour ne vous compter que pour mon vingtième ami, vous qui êtes le premier ami du monde dans les petites choses comme dans les grandes. » M. Ménage est l’ami parfait d’une charmante femme : il est amoureux d’elle.

Ménage dine souvent chez son amie. Mais, au moindre empêchement, on le décommande. Ainsi : « Je pense que votre heureux destin s’oppose que vous veniez faire ici méchante chère... » Elle est obligée de sortir, à midi ! Un autre jour, c’est compliqué : « Je ne sais s’il sera possible que je vous voie demain, parce que je vais diner avec M. de Sévigné et que, le