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de billets. Ceux de Ménage sont perdus : Mme de La Fayette n’était pas femme à s’encombrer des paperasses du souvenir. Ceux de Mme de La Fayette, Ménage les avait gardés.

C’était pour inviter Ménage à quelque promenade... « J’envoie savoir si vous voulez vous promener demain. Venez céans entre quatre et cinq, si tant est que vous soyez libre. Nous attendrons que le chaud soit passé, s’il en fait trop. » Un autre jour : « Je vous prie de me venir voir demain de bonne heure. Nous étudierons et puis nous irons nous promener : je ne saurais plus vivre si je ne prends l’air. » Ménage aimait ces promenades, et pour le contentement de quelque vanité. Il n’est pas un peu fier d’écrire à M. Huet, le 26 juillet 1661 : « M. de Segrais partit jeudi dernier, comme vous l’avez su. Ce jour-là, je donnai à souper à Mme de La Fayette au bois de Vincennes. » M. Huet, du fond de sa province, admire un si grand bonheur : « Que ce souper de Vincennes et ces promenades me font d’envie ! O noctes coenaeque deum !... »

Mme de La Fayette convoque très familièrement Ménage ; et, pour le recevoir, elle prend les bouts de temps qu’elle économise sur sa vie mondaine, ou bien elle profite d’un incident qui lui permettra ou la convaincra de rester à la maison : « Je prendrai demain médecine ; venez me voir sur les trois ou quatre heures. » Et Tallemant raconte qu’un jour qu’elle avait pris médecine Mme de la Vergue disait : « Cet importun de Ménage viendra tantôt ! » Tallemant veut absolument que Mme de La Fayette et Mme de Sévigné fussent excédées de Ménage. Il ajoute : « Mais la vanité fait qu’elles lui font caresse. » La vanité peut-être : et l’amitié davantage.

Il arrive que la promenade soit empêchée par l’une de ces occupations qui vous gaspillent votre loisir. Alors, Mme de La Fayette emmène tout bonnement M. Ménage : « Je vais demain dîner à Chaillot. Si vous voulez y venir avec moi, trouvez-vous céans à dix heures et demie. Sinon, vous ne me verrez point encore demain et vous aurez dimanche de mes nouvelles. » Ou bien elle a un rendez-vous d’affaires : M. Ménage ne veut-il pas l’accompagner ? « Je ne sais si je pourrai demain m’aller promener, parce que j’ai heure d’un avocat pour l’après-dinée. Mais, comme je n’ai point de chevaux... » Alors, il faut aller à pied. Une femme de qualité ne va pas seule par les rues : il faut qu’un valet la suive. M. Ménage serait un compagnon plus