Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Segrais avait eu l’intention d’accompagner en Amérique Scarron et Ninon de Lenclos : ce projet n’aboutit pas. Puis Mme la Paix revint : les gens de lettres furent contents. Mais, pour Mademoiselle et ses gens, il n’y eut point de paix. Mademoiselle était une perpétuelle catastrophe ; elle avait le génie et l’orgueil du tracas : elle s’y amusait. Son entourage fut d’un autre sentiment, dès l’époque où, les grandes équipées finies, il ne s’agissait que d’en payer le souvenir. Ses maréchales de camp, Mmes de Fiesque et de Frontenac, jadis si bien empanachées de gloire à ses côtés, trouvèrent long le temps de la disgrâce où le tenait leur renommée. Les nouvelles de Paris étaient aguichantes. Un jeune roi, de galante gaieté, donnait des fêtes magnifiques. Mmes de Fiesque et de Frontenac faisaient de grandes lamentations et intriguaient pour opérer le rapprochement de Mademoiselle et de la cour : Mademoiselle en était exaspérée dans sa fierté ; de là résultait une continuelle mésintelligence, dont souffrait Segrais, gentilhomme de Mademoiselle et attaché par tant de gratitude à Mme de Fiesque. Dans les Divertissements de la princesse Aurélie, recueil de nouvelles qu’il rédigea en 1656 à Saint-Fargeau, plusieurs de ces dames discutent les agréments du séjour à la ville ou à la campagne. Sillerite — c’est la marquise de Mauny — tient pour la campagne : elle insiste sur les embarras de la cour et la difficulté d’y trouver le repos, qui est l’image du bonheur. Mais Gélonide — et c’est Mme de Fiesque, née Gillone d’Harcourt, — préfère à tout repos le plaisir, fùt-il périlleux. Elle regrette les ballets et la comédie. On lui vante la solitude ? Mais, à Paris, elle sait s’en procurer plus qu’elle n’en désire : elle n’est pas si farouche. La nature ? Mais il y a, dans Paris, les beaux jardins des Tuileet de Luxembourg, qui lui offrent autant de fleurs et plus de verdure qu’elle n’en souhaite. Son argument le plus vaillant contre la campagne, c’est la pauvreté des gens qui l’habitent et c’est, partout, les marques de la guerre civile : « Retirons-nous dans les villes, pour éviter des objets si funestes ! » Gélonide n’aime plus la guerre, depuis que Mme de Fiesque n’est plus maréchale de camp de Mademoiselle... Après avoir épilogué ainsi, les jolies dames rentrent au château, à cheval ; et « la beauté du jour, la fierté de leurs chevaux, la magnificence des housses, la propreté des habits » décorent à merveille le paysage. Les chevauchées, les entretiens et la politique d’opposition