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Démonstration évangélique ou dans ce Traité philosophique de la faiblesse de l’esprit humain qui sacrifie à la rigueur de la foi révélée le vain effort de la raison. Il étudiait les subtiles questions de géographie et de topographie selon la Bible qui, patiemment résolues, l’ont mené à déterminer L’emplacement du paradis terrestre. De telles études ne l’écartaient pas de la religion, dirait-on !... Mais saint Augustin se confesse, comme d’un péché, du plaisir que lui fait, à l’église, le chant des psaumes, si quelquefois le chant le touche plus que la chose qui est chantée. L’érudition de Pierre-Daniel Huet tendait à la vérité divine : mais, plus encore que la vérité divine, il aimait l’érudition. Il a déploré cette frivolité qui l’empêchait de se donner à Dieu sans réticence. Il subissait comme un châtiment cette « lâche tiédeur pour les choses du ciel ; » et il s’est accusé comme d’un vice de ce qu’il appelait « ma passion immodérée des lettres : » mais il se livrait à sa passion, sinon sans remords, du moins avec délices. Les remords ne commencèrent que très tard et, dans sa jeunesse, il ne sentait que les délices de la littérature.

Ce fut Ménage qui le présenta, en 1659, à Mme de La Fayette. Il était de dix-sept ans plus jeune que Ménage. En 1653, au retour d’un voyage en Suède, où il avait accompagné son compatriote normand, Samuel Bochart, grand érudit, son maître, et qui appartenait à la religion prétendue réformée, il s’était arrêté à Paris pour faire connaissance avec ce que la capitale possédait de savants honorés. Ménage l’accueillit ; et ils lièrent une amitié qui, jusqu’à la mort de Ménage, plut à l’un et à l’autre. Ménage, dit-il dans le Commentaire latin de sa vie, le conduisit chez Marie-Madeleine de La Vergne de La Fayette, dont ce poète a chanté la beauté, les grâces, l’esprit, l’élégance à parler et à écrire ; et justement ! ajoute-t-il : quoi en effet de plus poli, de plus achevé, de plus fin que les ouvrages et les propos de cette jeune femme qui n’écrivait que par jeu ?

Nous avons un portrait de Pierre-Daniel Huet, composé l’année précédente, comme il avait vingt-huit ans. C’est l’un des Divers portraits que réunit Segrais pour obéir à Mademoiselle. Et, le peintre, ce fut madame de Caen, Marie-Eléonore de Rohan, fille de la belle Montbazon que l’abbé de Rancé avait aimée. Elle était alors abbesse de la Trinité de Caen, l’une de ces abbesses qui ne vivaient pas très loin du monde : mais elle était pieuse