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sur l’Anthologie, l’appelle flos episcoporum, la fleur des évêques.

Il a bien été cet évêque en effet, deux fois évêque, et cependant évêque à peine. En 1685, à cinquante-cinq ans, il fut nommé au siège épiscopal de Soissons et, avant d’aller à Soissons, permuta pour l’évêché d’Avranches, qui ne lui faisait pas quitter sa province de Normandie. Mais, la cour de France et la cour de Rome étant en bisbille, ses bulles n’arrivèrent pas et il ne fut sacré que sept ans plus tard. Au bout de sept ans encore, il se démit d’une charge qui le divertissait de l’étude ; et, selon ses mots, « débarrassé du fardeau de l’épiscopat » , revint à n’être, jusqu’à sa mort, qu’un homme qui étudie et dont la mort interrompt la perpétuelle assiduité.

On parle toujours de lui sous le nom de l’évêque d’Avranches ; mais, évêque d’Avranches, c’est ce qu’il a le moins été : lors de son sacre, il a soixante-deux ans ; et, après qu’il a déposé son fardeau, il lui reste vingt-deux années à vivre. Même, il n’a été prêtre que sur le tard, au mois de décembre 1676, à quarante-six ans passés. Avant cela, qu’est-il ? Une sorte de laïc. Il avait reçu la tonsure, en 1656, des mains de François de Harlay, archevêque de Rouen et, quelque temps après, les ordres mineurs, des mains de François de Nesmond, évêque de Bayeux. Les ordres mineurs ne l’engageaient pas : et il hésitait à mener plus loin sa vocation, qu’il sentait un peu incertaine.

Il était fils d’un protestant qu’un jésuite, le Père Goutery, sut convertir en examinant avec lui les points controversés. M. Huet le père, homme réfléchi et loyal, reconnut son erreur et, sorti du « bourbier de l’hérésie, » devint premier marguillier de l’église Saint-Jean de Caen. M. Huet le fils examina également les points controversés et, au cours de son examen, faillit tomber dans le bourbier, car il avait trouvé quelque faiblesse dialectique aux arguments édifiants du Père Petau. Il surmonta cette indécision ; il inventa les arguments que les apologistes ne lui fournissaient pas et demeura constamment fidèle à une orthodoxie parfaite.

Ce n’est pas le manque de foi qui le détourna longtemps d’accomplir sa destinée religieuse, mais le manque d’une ferveur toute consacrée à Dieu. Sa ferveur était indéfiniment pour l’étude. Or, il étudiait Origène et ses commentaires de la sainte Écriture. Il étudiait les problèmes qu’il a posés dans sa