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MADAME DE LA FAYETTE
ET SES BONS AMIS LES SAVANTS

En 1659, Mme de La Fayette fît deux nouveaux amis, et qui étaient amis entre eux, tous deux amis de Ménage, et beaux esprits, Huet et Segrais.

Pierre-Daniel Huet sera plus tard, dans la littérature et la pensée de son époque, un très grand personnage, oublié maintenant et qu’il n’est point aisé de remettre en faveur, parce qu’il a écrit surtout en latin et sur des problèmes qui ont perdu, non leur importance, mais leur attrait. Il était un savant et un philosophe parmi les plus illustres. Sa renommée allait, hors de France, en tous pays où l’on appréciait la dialectique et l’érudition. Les philologues de Hollande le louaient à l’envi. Leibnitz écrivait : « Je suis vain d’apprendre qu’il se souvient de moi. Quelqu’un me dit que nous aurons bientôt de lui un ouvrage intitulé Concordia rationis et fidei : tout ce qui vient de cette main est exquis et fera honneur à notre siècle devant la postérité. » Il vantait son « jugement incomparable » et regrettait de n’avoir pu lui soumettre ses remarques sur la première et la seconde partie des Principes de Descartes.

Quand il mourut, son biographe d’Olivet fit ce compte. Studieux dès l’enfance, Huet vécut, à peu de jours près, quatre-vingt-onze ans ; la fortune lui accorda tout le loisir de ses journées et il ne fut presque jamais malade ; à son lever, à son coucher, dans les moments où il devait se redresser de sa lecture, il se faisait lire par des valets : de sorte qu’il a été, de tous les hommes, celui qui a le plus étudié. D’ailleurs, il portait allègrement son poids énorme de science. Et Brunck, dans ses notes