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repliée sur elle-même, était en proie à des dissensions intestines que l’Allemand prenait soin de cultiver et d’exaspérer. Bucher fut souvent exposé à la jalousie des coteries minuscules qui s’étaient formées dans la société alsacienne. Puis son intransigeance gênait un peu les tièdes et les souples. Dans l’Alsace d’aujourd’hui, les rancunes d’autrefois n’ont point toutes désarmé. Certains trouvent importun le spectacle d’une existence sans compromission. Le mot désintéressement fait sourire l’Alsacien positif... Maintenant qu’il n’est plus, tous vont mesurer la place qu’il occupait, et les jeunes gens, étrangers aux misérables querelles de leurs pères, comprendront la magnifique leçon d’idéalisme que leur a donnée Pierre Bucher..

Quant à ceux, Alsaciens ou Français, auxquels il fit l’honneur de les appeler ses amis, de les associer à ses pensées, à ses travaux, ils garderont de lui un pieux souvenir, se rappelant surtout ces lointaines années où il leur rendait confiance dans le destin de la France et les invitait à méditer la parole inscrite sur une des vieilles portes de la ville d’Obernai :


Omnia si perdas, verbum cœleste réserva.


ANDRE HALLAYS.