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Il savait que, la paix conclue, la France aurait plus que jamais besoin de surveiller les événements d’Allemagne. Il avait donc élaboré le plan d’une revue spéciale qui, rédigée à Strasbourg, présenterait au public français tout ce que peuvent apprendre non roulement les journaux et les revues d’Outre-Rhin, mais aussi des enquêtes approfondies conduites sur place. Le coût du papier l’obligea d’ajourner son projet : il fonda un Bulletin de la presse allemande où sont chaque jour résumés les principaux articles de journaux, et qui offre un tableau complet de la vie publique en Allemagne.

Il voulut aussi reprendre ce métier de propagandiste qu’il avait exercé autrefois avec une telle maîtrise. Il organisa des Cours populaires et l’œuvre du Livre français où de zélées collaboratrices l’aidaient à répandre dans toute l’Alsace des ouvrages français de science, d’histoire et de littérature. Mais la création à laquelle il donna la plus grande part de son activité, fut celle de la Société des Amis de l’Université de Strasbourg. Il jugeait nécessaire que la nouvelle Université française, si fortement constituée et si largement dotée par l’Etat, fut encore soutenue par une grande association. Celle-ci devait faire appel aux Alsaciens et à toute la France, l’éclat et la prospérité de l’Université de Strasbourg intéressant la nation. Il obtint de M. Millerand que le gouvernement assurât à la Société un riche patrimoine immobilier. Ensuite, il demanda à M. Raymond Poincaré d’en accepter la présidence, le jour où il quitterait l’Elysée. Quand M. Raymond Poincaré vint à Strasbourg pour inaugurer l’Université, il annonça, au cours d’une magnifique harangue, la fondation de la nouvelle Société et promit de la patronner. Bucher savait quelles garanties de succès apportait un tel concours ; mais, en même temps, quelle joie, quelle fierté pour ce patriote de voir son dévouement à la France reconnu, affirmé par le grand Français qui avait « bien mérité de la patrie ! » Dès lors il s’ingénia, comme il savait le faire, à recruter des membres et à accroître les ressources de la Société. De tous les amis de l’Université, il n’y en a pas eu de plus fervent.

Il y a quelques mois, il quitta le poste qu’il occupait au commissariat général. Il pensa que, dans l’état où M. Millerand avait laissé les affaires d’Alsace, il pouvait sans inconvénient reprendre sa liberté afin de fonder une publication indépendante