Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des provinces annexées. J’étais tombé dans les rets du plus infatigable des chasseurs d’hommes. Bien d’autres, depuis, furent, comme moi, séduits et captivés. Nul ne pouvait se dérober au charme de cette nature volontaire et persuasive.


I

Lorsque je fis la connaissance de Pierre Bucher, ses desseins s’étaient déjà précisés en quelques formules nettes et limpides. La Revue alsacienne illustrée résumait ainsi sa doctrine :

« Il y a un bien-être physique et moral à se plonger dans son milieu naturel.

« Et en effet, tous, nous sentons ce que nous voulons exprimer quand nous définissons l’un d’entre nous en disant : « C’est un vieil Alsacien ! C’est un type de la vieille Alsace ! » Et nous sentons également qu’un de nos compatriotes est diminué, si l’on est amené à dire de lui en secouant la tête : « Ce n’est plus un Alsacien. »

« Chez tous les Alsaciens, ce sentiment inné de piété ancestrale et d’attachement au sol existe, mais c’est insuffisant de demeurer, vis-à-vis de l’Alsace, dans cette phase sentimentale : il faut que nos raisons d’aimer notre terre et nos morts nous soient tangibles, et il faut que nous comprenions de quelle manière nous pourrions le mieux dégager, maintenir et prolonger la tradition alsacienne.

« … Nous voudrions surtout que, mieux renseigné sur sa nationalité, chaque fils d’Alsace contribuât plus sûrement à l’enrichir encore.

« Car l’assertion qu’une chose est bonne et vraie a toujours besoin d’être prouvée par une réponse à cette question : « Par rapport à quoi cette chose est-elle bonne ou vraie ? »

« Les choses ne sont bonnes ou vraies pour les Alsaciens que si elles sont le développement d’un germe alsacien. Du moins, si elles ne sont pas le fruit de notre race, il faut qu’elles acceptent les conditions de notre climat moral ; oui, qu’elles se modifient, selon l’aspect, selon le climat, il n’y a pas d’autre mot, que nous ont fait des siècles de civilisation alsacienne… »

On est frappé de l’accent barrésien de ces propositions. C’est qu’en vérité la thèse nationaliste de M. Maurice Barrès s’accordait à merveille avec les aspirations du jeune Alsacien, S’attacher