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Duc de Berry. Elle compare son arrivée piteuse à cette arrivée triomphale de l’Impératrice dont elle avait vu se dérouler les pompes, dans le même cadre et si peu de temps auparavant. Cette fois-là, elle avait été la petite reine de la fête, et elle avait reçu, avec les caresses de Marie-Louise, la montre d’émail bleu enrichie de perles fines, dont elle dit mélancoliquement à la date où elle écrit, en 1849 :

« Une belle montre, au chiffre de l’Impératrice, que je conserve encore, et qui est restée bien plus fraîche que moi ! »

Pour me confirmer dans l’opinion, à laquelle je tiens beaucoup, que M. de Pellapra dut contraindre sa femme à paraître aux fêtes données à Caen, pour « le gros, lourd et commun personnage, » et que l’infidélité morale ne vient pas d’elle, il me suffit de savoir que dès le retour de l’Ile d’Elbe, Mme de Pellapra vole à Lyon, à la rencontre de l’Empereur.


Après Waterloo, après Sainte-Hélène, la pauvre femme se résigne à vivre les jours sans joie de la Restauration, aux côtés et dans l’ombre de son terrible époux. Doué d’intelligence financière, devenu riche, très riche même, M. de Pellapra commence à prendre de l’importance sociale. La petite fille qui grandit et sa mère, toujours belle, deviennent des accessoires de luxe. il a de beaux équipages. Il lui faut une femme pour s’y pavaner. Il achète l’ancien hôtel de Bouillon au quai Malaquais, cet hôtel où vécut Marie Mancini [1].

Il lui convient, de mettre, dans cette cage magnifique, ces jolis oiseaux. Mais il ne s’embarrasse pas d’eux, quand son intérêt mondain ou son plaisir exigent qu’il les y laisse. Il fréquente des maisons où sa femme et sa fille ne sont point reçues, et rend odieux le séjour de sa propre maison à toutes les créatures qui l’habitent.

Dans un passage de ses Mémoires, la petite Emilie raconte sa sombre enfance et son affection tendre pour Denis, le maître d’hôtel de son père. Il semble bien avoir été l’unique personne en ce temps-là qui lui ait montré de l’amitié et de la bonté, sentiments sans lesquels un enfant ne peut pas vivre.

— Le peuple seul a des entrailles, disait Napoléon, en entendant,

  1. Devenu aujourd’hui l’Hôtel des Beaux-Arts.