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militaire et politique, il fallait avouer que Napoléon était un ; malfaiteur, puisqu’il avait laissé la France plus petite qu’il ne l’avait trouvée. Je répondais qu’il lui avait assuré des frontières illimitées dans les âmes.

Mon oncle conclut :

— Tertullien a défini l’homme : « un animal de gloire. » Ce jugement peut s’étendre aux femmes et même aux petites filles.

J’étais un de ces animaux, et je le savais. C’est pourquoi, quelques années plus tard, ma belle-mère, en évoquant devant moi l’Empereur, me causait une joie d’imagination dont je lui suis encore reconnaissante.


La veille du jour où j’allais être mariée, je reçus la « corbeille » traditionnelle. Point de vannerie, mais de grandes boîtes de cuir et de satin renfermant les bijoux que ma belle-famille me destinait. J’y trouvai avec émotion trois présents napoléoniens.

C’étaient une montre d’émail bleu de ciel, avec sa petite chaîne et sa clef, portant sur une face le chiffre de Marie-Louise, et sur l’autre l’abeille : « la montre de l’Impératrice ; » un lourd bracelet d’or ciselé, incrusté de rubis, de brillants et d’émeraudes, où figuraient des attributs guerriers dans le goût de. l’antiquité : « le bracelet donné par Napoléon à Mme de Pellapra, au retour de l’Ile d’Elbe ; » enfin, un diamant solitaire ; ma belle-mère expliquait : « Le diamant de l’Empereur, rapporté de Sainte-Hélène par M. de Las Cases et remis par lui à ma mère, Mlle de Pellapra. » ,

Le retour de l’Ile d’Elbe, Sainte-Hélène ! Que ces mots me j touchaient ! Je ne comprenais pas encore tout ce que signifiaient les présents qui venaient de m’être faits... On me donna par la suite d’autres explications.


Ma belle-mère avait mille façons de raconter l’aventure de son aïeule. Je l’entends encore répondre à une questionneuse importune qui s’apprêtait à faire la prude :

— Mon Dieu, madame, ma grand’mère était très belle et l’Empereur voyageait beaucoup.

Non seulement elle ne cachait pas son origine, mais encore elle en était fière. Je l’imaginais facilement invoquant l’étoile de