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jamais venir, attendant toujours M. de Rossi qui nous y devait mener. Épigraphiste et historien, Goyau les connait presque aussi bien que M. de Rossi ; elles sont d’ailleurs de son domaine, puisqu’il prépare un livre sur Dioclétien, le dernier des persécuteurs. On disait la messe dans le caveau où, pendant des siècles, a reposé sainte Cécile ; il n’y avait là avec nous que deux prêtres allemands très graves, et dame, cela changeait de la messe d’Amalfi, du chanoine de Salerne, des moines de Naples et du clergé grec. De beaux trappistes français, dignes et courtois, dont plusieurs sont d’anciens officiers, gardent la catacombe : je n’ai pas besoin de te dire leur accueil ni le temps de transcrire les précieux commentaires dont Goyau accompagnait cette promenade souterraine, ressuscitant les périodes successives, me faisant assister au prodigieux labeur d’induction ingénieuse et méthodique par lequel M. de Rossi a reconstitué ce passé avec des bribes d’inscriptions et de peintures.

De là Goyau m’a mené au nouveau musée des Thermes de Dioclétien, qui n’existait pas il y a dix ans, et où l’on réunit tout ce que livrent les nouvelles fouilles. Il y a là des morceaux superbes : un athlète agenouillé et un Bacchus m’ont longuement arrêté et j’ai eu la confirmation de ma sensation de Naples. Ici on ne restaure plus ; aussi l’impression est-elle, à mon sens, plus complète et plus pure qu’au Vatican.

J’ai déjeuné chez L... ; j’ai passé la journée au Palais Altieri, le passé, puis chez la comtesse Pasolini, le présent : une femme très moderne, très informée, passionnée de Vogué, du mouvement néo-chrétien, de Paul Desjardins, au courant de nos tentatives de groupement de l’an passé, lectrice des Débats et de la Revue, sachant tout ce qui se fait, s’agite à Paris, luxueusement installée au premier étage du vieux Palais Sciarra, saisissant au passage tout voyageur de quelque intérêt. On m’avait écrit d’aller la voir, on m’y avait annoncé, et ce fut en effet très charmant, très brillant, très moderne.

Il me restait deux heures : je suis allé revoir le Moïse, puis à Latran, où, à six heures, c’étaient les grandes vêpres de la veille de la Saint-Jean, la fête romaine par excellence. J’aurais bien voulu vous y tenir à cette grande musique de la maîtrise de Latran. Sous la puissance évocatrice de la musique, sous les vieilles mosaïques contemporaines de Constantin, c’était l’âme des dix-huit siècles d’histoire de la chrétienté qu’on sentait