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venir y est déjà en germe, — sauf pour le paysage, par exemple, toujours irréel ou conventionnel, car là ce sont bien vraiment les modernes seuls qui, les premiers, ont su voir et rendre la nature inanimée. Mais, pour le personnage, tout le « devenir » est ici déjà, comme en témoignent les portraits d’un boulanger et de sa femme, réels, nullement idéalisés, très clairs : une esquisse de l’atelier de Bastien-Lepage.


Et puisque j’en suis aux bâtons rompus, je reviens à San Giovanni à Carbonara, voir les deux autres tombeaux des Caracciolo, ceux de Galéas et de Colantonio, — c’est de la pleine Renaissance cette fois et de la belle, — et c’est autre chose ; ce n’est pas simple, bien sûr, mais c’est beau tout de même, — et surtout, quel merveilleux sens décoratif ! Je me réjouis de détailler avec toi sur photographies : elles sont fort belles.


Puis des flâneries sans but, hier soir, ce matin à l’aube, dans cette singulière ville, grouillante, cliquetante, papillotante de couleur et de mouvement, en somme, telle que je la vis il y a dix ans, plus crapuleuse que voluptueuse. Je voulais passer ma matinée dans les églises, où, sous les armoires à glace et les oripeaux, il y a tant de belles œuvres à revoir, et puis, vraiment, les curés du crû m’en ont chassé ; comme disait un camarade à Constantinople : « J’ai le bakchisch découragé. » Ils sont trop mendiants ! C’est, à la cathédrale, un gros moine joufflu qui referme rageusement la grille d’une chapelle, parce que, la voyant ouverte, j’y suis entré sans financer ; c’en est un autre, à Santa Chiara, un vieux petit minable qui, voyant que je ne comprends pas, finit par me sortir de sa ceinture un papier gras où il y a déjà cinq ou six sous ; il me fait signe en souriant qu’il faut compléter ; j’en ajoute un, il part content. Ils m’ont fait sauver et j’en suis allé plus vite au musée, où j’ai passé ma journée.

J’y voulais revoir trois choses : les peintures de Pompéi, sur ce sujet, je t’ai pondu ma petite histoire, n’en parlons plus ; les bronzes d’Herculanum ; les antiques, dont cinq ou six sont les plus éclatants représentants de certaines périodes. — Pourquoi, ici, ai-je eu au souvenir d’autrefois une déception ? Pourquoi, devant les meilleurs, ai-je eu la sensation étonnée de quelque chose de discordant, qui n’était « plus cela ? » Était-ce seulement parce que je reviens de Grèce et qu’ils ne valent pas