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l’on faisait leur portrait, du moins ne les prenait-on pas comme des modèles pour les statues des Dieux, honneur réservé à cette sélection de la race dans la fleur de la jeunesse et de la beauté, dont le type est, pour toujours, pour nous devenu le « type grec. » Rien n’est plus caractéristique à cet égard que cette curieuse série d’officiers municipaux conservée au musée d’Athènes.

Mais je reviens au tombeau de Sergianni Caracciolo. Il est encadré de grandes fresques d’un élève de Giotto qui recouvrent toute la chapelle. Et le voilà refermé, le cercle ! revoilà le Saint-Jean de la mosquée Karyé à Constantinople, et ceci n’est supérieur ni comme facture, ni comme vie. Tout ce qui est ici était déjà là-bas : il y a bien eu transmission directe et immédiate du byzantin aux premiers Italiens. Ceux-ci ont repris une suite et je ne sais même s’il serait difficile de démontrer que Cimabue fut inférieur à ses contemporains de Byzance. Mais ne nous lançons pas ! Tout cela est déjà bien osé. Ce que je crois pouvoir poser sans hérésie, c’est qu’en peinture, l’héritage s’est transmis sans lacune depuis les Grecs et les Romains. Pour la sculpture, il en fut autrement ; elle s’endormit pendant des siècles ; mais ici, il n’y a qu’à s’en prendre au christianisme, à sa proscription du nu, à ses anathèmes contre cette guenille de corps, seul inspirateur de toute sculpture. N’est-ce pas des athlètes et de leurs jeux que sont nés les premiers chefs-d’œuvre grecs et qu’est-ce que les plus beaux Hermès, Apollon et Bacchus, sinon des éphèbes d’Olympie ?

Revenons à la peinture : après ces Giotto d’hier, frères des fresques de Constantinople et aussi de celles de Mistra, j’ai été revoir aujourd’hui au musée de Naples les peintures de Pompéi, et ici vraiment il n’y a plus d’hésitation. La filiation y saute aux yeux. Tu sais que ces peintures refaites très vite dans la ville reconstruite en hâte après le premier incendie par des décorateurs de profession offrent cet intérêt particulier que, bien qu’exécutées par des praticiens inférieurs, elles ont été faites sur d’anciens modèles classiques courants : de sorte que, si bâclées soient-elles, elles nous rendent du moins l’esprit et la composition de la peinture grecque que nous ignorerions presque sans elles. Si tu veux, disons que ce sont des « chromos » sans grande valeur artistique, mais d’une incomparable valeur documentaire, — (ce qui pourra bien être dans l’avenir la fortune de beaucoup de nos chromos !) — Eh bien ! tout l’art à