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un solde créditeur au profit de l’Allemagne, après imputation des frais d’occupation militaire et de ravitaillement. En d’autres termes, supposons que les paiements effectués par l’Allemagne, en or ou en marchandises, aient atteint vingt milliards de marks or et dépassent, en même temps, le règlement des frais d’occupation et de ravitaillement : le solde créditeur sera-t-il imputé sur les annuités à recevoir de l’Allemagne en vertu des accords ? S’il en était ainsi, les annuités établies à Paris seraient réduites d’autant et du même coup les Alliés seraient privés des sommes représentant les frais d’occupation. Supposons, en second lieu, que les versements de l’Allemagne balancent les frais d’occupation et de ravitaillement ; il ne nous restera rien pour garantir ces frais dans l’avenir. Supposons enfin que le total des versements effectués n’atteigne pas le montant des frais d’occupation et de ravitaillement et que, par suite, le règlement révèle un solde débiteur de l’Allemagne ; comment, en ce dernier cas, l’Allemagne acquittera-t-elle ce solde débiteur ? Quel gage lui sera, en outre, réclamé pour garantir désormais les frais d’occupation ? Autant de questions sur lesquelles MM. Milliès Lacroix et Henry Chéron ont appelé l’attention du Gouvernement et qu’il conviendra de régler à Londres.

Mais la grosse bataille se livrera, sans doute, sur les contre-propositions allemandes. Quelles qu’elles soient, elles tendront à augmenter les énormes sacrifices que nous infligent déjà les accords de Paris. Elles seront donc inacceptables. Les plus périlleuses sont celles que le Reich nous a déjà présentées à Spa et qu’il a tenté, depuis lors, de faire approuver par nos Alliés : la prise en charge par l’Allemagne de la reconstitution de nos provinces dévastées. Ce n’est pas une idée nouvelle. Elle s’était déjà fait jour avant la signature du Traité de Versailles. Dans sa lettre du 29 mai 1919 au Président de la Conférence de la paix, le comte de Brockdorff-Rantzau déclarait que l’Allemagne était prête à effectuer des paiements en espèces, jusqu’à la somme de cent milliards de marks or et à mettre « toute sa force économique au service de la reconstitution. » Mais déjà il ajoutait : « Elle désire collaborer par son travail à la restauration des territoires détruits de la Belgique et du Nord de la France. » Et, dans la note annexée à cette lettre, la délégation allemande parlait encore avec insistance de la valeur du travail qui serait fourni et des matériaux qui seraient livrés par l’Allemagne. Dans les conversations qui suivirent, la délégation allemande revint à la charge ; et le 16 juin 1919 ; lorsque M. Clemenceau répondit au comte de Brockdorff-Rantzau,