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dans un inquiétant dilemme : ou bien, la Conférence de Londres se piquera de trouver, coûte que coûte, en quelques heures, la quadrature du cercle oriental, et il est à craindre qu’elle n’aboutisse à des improvisations fugitives ; ou bien, elle continuera sa besogne après le départ du Gouvernement français ; et, quand nous aurons les talons tournés, nous aurons aisément tort, comme tous les absents.

Et puis, Londres est bien loin d’Angora, bien loin même de Constantinople. Ne risquons-nous pas qu’un jour les délégués turcs refusent de nous répondre en nous disant qu’ils manquent d’instructions, ou qu’un autre jour ils ne dépassent leurs instructions, avec l’arrière-pensée de se laisser ou de se faire désavouer ? On avait proposé, il y a plusieurs mois, de convoquer les Bolcheviks aux Iles des Princes. L’idée a été abandonnée et personne n’a demandé qu’on la reprît. Mais les Iles des Princes eussent été un théâtre charmant pour une conférence chargée de préparer une révision réfléchie du traité de Sèvres ; elles nous eussent, en même temps, rapproché des réalités asiatiques. Si les pourparlers de Londres aboutissent à une rupture ou à une suspension, songeons à la mer de Marmara et aux douceurs de Prinkipo,

Par bonheur, les accords de Paris ont laissé le point de vue de l’Angleterre et le nôtre moins distants l’un de l’autre dans tout ce qui touche au traité de Versailles. Les discours de M. Lloyd George, comme ceux de M. Briand, ont fortement insisté sur cet avantage, dont on ne saurait, en effet, méconnaître l’importance. Jamais l’unité de front des Alliés n’a été plus indispensable qu’aujourd’hui, car jamais la mauvaise volonté de l’Allemagne n’a été plus évidente, plus systématique et plus audacieuse. Vous représentez-vous M. Thiers faisant, après le traité de Francfort, des tournées dans la France entière, pour dire partout aux populations : « La paix qu’on nous a imposée est inexécutable. Nous sommes décidés à ne pas remplir nos obligations. Nous ne paierons pas un centime des milliards que nous avons promis. Tout ce que nous pouvons, c’est vendre à l’Allemagne quelques-unes de nos marchandises en couverture de ce que nous lui devons. Qu’elle fasse des commandes à notre industrie. Nous n’avons pas autre chose à lui offrir ? » Comment croyez-vous que M. de Bismarck eût accueilli ce défi ?

Aujourd’hui, M. Von Simons va partout essayer de démontrer que le traité de Versailles est une monstruosité. Bien plus, il ose s’approprier les pires calomnies de l’ancien régime impérial et soutenir que l’Allemagne n’est pas responsable de la guerre, qu’elle a