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britanniques. La merveilleuse habileté de M. Vénizélos, s’exerçant, sinon en faveur du roi Constantin lui-même, du moins au profit de la nation qui a trahi le grand homme d’État et rappelé le souverain germanophile, n’a pu que confirmer le Gouvernement anglais dans ses dispositions antérieures et le détourner de demander à la Grèce des concessions territoriales suffisantes pour donner à la fois satisfaction aux Turcs de Constantinople et à ceux d’Angora. Il n’est donc pas surprenant que M. Calogeropoulos ait confié, par avance, à quelques journalistes ses espérances de succès.

Quels que soient nos motifs de ressentiment contre le roi Constantin, nous serions nous-mêmes très heureux que la Grèce ne payât pas trop cher les frais d’un arrangement et qu’elle conservât aussi larges que possible les profits de notre commune victoire. Mais nous sommes bien forcés de considérer un peu aussi l’intérêt de la France. Ni financièrement, ni militairement, nous ne pouvons supporter plus longtemps les charges qui pèsent sur nous dans le Levant. Ceux des Français qui tiennent le plus à maintenir intact le mandat que nous avons reçu sur Alexandrette, le Liban et la Syrie, ceux-là même qui n’entendent pas laisser diminuer la zone d’influence qui nous a été reconnue en Cilicie, sont naturellement les premiers à penser que l’exercice de nos droits doit se concilier rapidement avec une importante diminution de dépenses et ne pas apparaître au pays comme une source permanente de difficultés budgétaires. Or, la seule manière d’alléger nos comptes d’Orient, c’est de rétablir la paix avec les Turcs. Sans doute, nous avons fort à nous défier des gens d’Angora, parmi lesquels il est des marionnettes dont les fils sont tenus à Berlin ou à Moscou. Mais enfin, si vive que soit notre amitié pour la Grèce, nous ne pouvons pas rester indéfiniment sous les armes en Asie-Mineure.

Londres était-il l’endroit le mieux choisi pour causer de ces délicates questions avec les Grecs et avec les Turcs ? J’avoue que je ne le crois pas. J’ai déjà eu l’occasion de dire que Lord Curzon avait beaucoup insisté autrefois auprès de M. Clemenceau pour que le traité oriental se négociât à Londres, et non pas à Paris ; et, en fait, bien qu’on ne puisse plus découvrir nulle part les négociateurs, il semble que jusqu’à la signature donnée le 10 août 1920, ce soit un peu à San Remo, mais surtout à Londres qu’ait été fait tout le travail préparatoire. Il n’est guère probable que le milieu soit plus favorable aujourd’hui que l’an passé aux solutions recommandées par la France. Au moment où j’écris cette chronique, ma pensée est donc enfermée