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Mettons, si vous préférez, une horreur, et n’en parlons plus. Mais il est triste de penser qu’au lieu de cette horreur, MM. les directeurs de l’Opéra-Comique auraient pu nous rendre, avec M. Vanni Marcoux, le Falstaff de Verdi.

Oui, « l’on joue trop bien ce que je n’aime pas. » Impossible de mieux jouer que M. Marcoux (paroles, musique, gestes, attitudes) un rôle plus détestable. À la force, à la fureur avec laquelle il enfonce, le « clou » de la pièce (c’est le cautère que je veux dire), je préfère encore l’art infiniment souple, cauteleux, qu’il déploie ou plutôt qu’il insinue en tout ce qu’on pourrait appeler les approches ou les préparations. Cantatrice, comédienne et tragédienne tour à tour, félicitons Mme Marguerite Carré de n’avoir pas défailli. Qu’au dernier acte elle crie, elle hurle, c’est à merveille et tout justement ce qu’il faut :


Rythmes espagnols et Scènes Ibériennes (pour piano seul) ; Seize mélodies sur des thèmes populaires d’Espagne, pour la voix avec accompagnement de piano, tels sont les titres de trois recueils publiés par M. Raoul Laparra. Ce jeune, encore jeune musicien, est, comme vous savez, l’auteur d’une certaine Habanera que l’Opéra-Comique, au lieu de nous donner Forfaiture, aurait bien dû nous rendre. M. Vanni Marcoux en eût superbement interprété le principal rôle.

On reproche quelquefois à M. Laparra sa prédilection passionnée pour les Cosas de España. Musique espagnole, dit-on de sa musique, et non française. Autant vaudrait qualifier de marocaine, ou d’algérienne, telle ou telle peinture de chez nous, celle d’un Delacroix, d’un Fromentin ou d’un Henri Regnault. Reconnaissons plutôt l’éminente supériorité de la musique sur la parole dans le domaine ou le département des affaires étrangères. Pour nous initier à celles-ci, pour nous représenter la figure, ou le visage, l’esprit et l’âme d’un pays et d’un peuple, le musicien a sur l’écrivain cet avantage, qu’il dispose des mélodies, des rythmes, des modes nationaux, enfin de tous les éléments qui composent la langue musicale de ce peuple et de ce pays. Et tandis que les mots, quand ils ne sont pas nôtres, ont besoin, pour que nous les comprenions et qu’ils nous touchent, de nous être traduits, c’est par eux-mêmes, par eux seuls, que nous sont directement intelligibles et sensibles les sons.

Aussi bien, quelle que soit dans l’œuvre d’un Laparra le rôle de l’élément indigène, celui-ci n’y tient pas toute la place. Au trésor national de nos voisins, (l’un des plus riches du monde), tantôt l’artiste emprunte un ou plusieurs motifs originaux. Il les cite, il les