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— c’était le « clou » du film, — alors l’enragé, pour attester au moins, par un mensonge atroce, la victoire ou la possession qui lui échappe, imprime au fer rouge sur l’épaule de la rebelle le chiffre dont il a coutume de marquer ses bibelots d’ivoire. Folle et rugissant de douleur, Edith saisit un revolver sur la table et fait feu. Le Japonais tombe, blessé seulement, et le mari survient. Le trouble de sa femme l’avait inquiété. Il l’a suivie. Elle a le temps de s’enfuir, et c’est de lui que les serviteurs, accourus en hâte, s’emparent.

Dernier acte : en cour d’assises, comme autrefois dans le Juif Polonais d’Erlanger encore, ou déjà, mais qui valait mieux, beaucoup mieux. Erlanger avait le goût des affaires criminelles. Un autre, le musicien de la Lépreuse et du Sauteriot, M. Lazzari, préfère les questions sanitaires. Trahit sua quemque… La cour d’assises, aux États-Unis, manque un peu de solennité. Nos chambres correctionnelles lui feraient honte. On dirait d’un service protestant. Et si modeste ! L’accusé, pendant sa détention préventive, a tout appris de sa femme et tout pardonné. Il s’accuse lui-même, il avoue. On l’a condamné, quand Edith s’avance, ou plutôt s’élance. Plutôt que de dire rien que la vérité, toute la vérité, elle la crie, elle la hurle et, pour finir, découvrant son épaule, elle la prouve. Gros effet d’audience, acquittement, et, par une prompte application de la loi de Lynch, massacre du Japonais.

Les principales qualités de ce « livret, « ou de ce « poème » en prose, ne sont peut-être ni la finesse des sentiments, ni l’analyse des caractères, ni la distinction du style. Et la musique ? Ah ! la musique ! On ne peut lui refuser au moins cette qualité qu’elle est parfaitement assortie, que dis-je, adéquate à la pièce. Maintenant, que peut-être, et même certainement, une pièce de ce genre ne comporte pas la musique et qu’elle en soit indigne, c’est une autre question, et qu’un pareil exemple suffirait à trancher, si dès longtemps elle n’était déjà résolue. Et puis une réflexion, plutôt mélancolique, s’impose.

Déjà l’on ne voyait pas sans chagrin transporter, ou déporter le théâtre au cinéma. Si maintenant l’opération va se faire en sens contraire, quelle n’en sera pas la suite, et le dommage, ou la honte ! A bientôt peut-être la mise en musique non plus seulement des feuilletons transatlantiques, mais des « actualités : » une manœuvre de tanks, une course de bicyclettes, l’attaque d’une diligence dans les Montagnes-Rocheuses ou l’inauguration par « les personnalités officielles, » d’un comice agricole ou d’un groupe scolaire. Aussi bien quittons, s’il vous plaît, cette question, qui n’est que de rapport entre