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on lit dans Littré : « 1° prévarication d’un magistrat ; 2° terme de féodalité. » L’une et l’autre acception n’ont rien de commun avec le sujet du mélodrame grossier que le cinéma se contentait de nous faire voir et qu’au théâtre, paroles et musique, il nous faut entendre deux fois.

Forfaiture, vous le savez peut-être déjà, Forfaiture est une histoire d’argent et d’amour, surtout d’argent. Elle se passe à New-York. Edith Hardy, une jeune et belle Américaine, — les films n’en représentent jamais d’autres, — est recherchée, avec une insistance qui ne paraît pas lui déplaire, par un personnage étrange, un milliardaire japonais, le prince Tori. Recherchée non pas en mariage, mais en adultère, car Edith est la femme d’un banquier, lui-même très opulent, un peu moins cependant que le galant samouraï. Opulent hier, mais aujourd’hui ruiné, d’un seul coup, par une spéculation malheureuse, la fâcheuse nouvelle est communiquée à Mrs Hardy pendant une vente de charité. Présidente du comité, chargée à ce titre de recueillir le total de la recette, — cent mille dollars, s’il vous plaît ; nous sommes en Amérique, — l’imprudente, au moins imprudente Edith, sans en rien dire à son mari, détourne pour quelques heures seulement, elle le croit du moins, la forte somme, et, dans l’espoir, comme on dit, de « se refaire, » elle la joue à la Bourse et la perd. C’est le premier acte, et pour le second, ou le troisième, ce pourrait bien être, avec la pauvreté, le scandale et la honte.

Mais le prince veille, et surveille. Edith lui semblant soucieuse, il l’interroge et elle avoue. Qu’à cela ne tienne : un chèque est aussitôt signé, contre la seule promesse, pour le lendemain soir et chez le signataire, d’un rendez-vous, ou plutôt, vous l’entendez comme il l’entend lui-même et elle aussi, d’une reddition. La fortune a ses vicissitudes. Perdus par un coup de Bourse, les millions du mari se trouvent regagnés par un autre coup. Le flux les emporta, le reflux les rapporte. Edith se croit sauvée. Cette fois, c’est à son mari qu’elle fait, non sans émoi, l’aveu sincère sinon de sa faute, au moins d’une dette assez forte et criarde. Chèque numéro deux, celui-là conjugal, et que, dans sa joie, Edith a le tort d’aller porter elle-même. Rien qu’en envoyant à sa place sa femme de chambre, que nous avons aperçue tout à l’heure, que d’affaires, et lesquelles ! ne se fût-elle pas, ainsi qu’à nous, épargnées ! Vous pensez bien que le concupiscent Japonais, créancier d’argent moins que d’amour, ne va pas renoncer au paiement en nature. Il insiste, elle se dérobe et se débat. Une lutte violente s’engage et tourne au furieux corps à corps. Alors,