Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 62.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le différend adriatique et en jeu dans la consultation électorale qui se prépare en Italie.

Les efforts combinés de la France, de l’Angleterre et de l’Italie à Washington, pour déterminer M. Wilson à reconsidérer son refus aux propositions de M. Tittoni, n’aboutissent à aucun résultat appréciable. Vers le 10 novembre, il est définitivement acquis que le président des Etats-Unis ne cédera pas sur le point essentiel des demandes italiennes, c’est-à-dire sur la langue de terre destinée à relier la ville de Fiume au territoire italien. Une communication directe de M. Lansing à M. Tittoni, en date du 12 novembre, indique clairement que le gouvernement américain a atteint la limite de ses concessions et en expose les raisons.

Expliquer l’attitude américaine par les seuls mots d’intransigeance et d’obstination est trop facile et peu équitable. La vérité est que le gouvernement des Etats-Unis a obéi, en l’occurrence, à un raisonnement fondé sur les éléments locaux de la question adriatique, sur les principes généraux de la paix, enfin sur ses propres concessions successives aux vœux de l’Italie. D’après les éléments locaux de la question adriatique « répartition des populations italienne et yougo-slave et considérations stratégiques !, il a jugé que ses dernières conditions faisaient la part belle aux Italiens, les avantageaient par rapport a la Yougo-Slavie et tenaient largement compte de leurs intérêts de tous ordres, moraux, politiques et militaires. D’après les principes généraux de la paix, il a estimé que ces mêmes conditions y dérogeaient déjà notablement et qu’il ne pouvait consentir à ce qu’elles y dérogeassent davantage, sous peine de passer pour avoir, selon les cas, deux poids et deux mesures. D’après ses concessions successives, il lui a paru qu’elles étaient loin d’être négligeables et que chacune n’avait servi qu’à lui en faire demander de nouvelles par l’Italie. Tel est le point de vue américain.

En soi, il est fort. Son défaut est de faire par trop abstraction des difficultés résultant de la question de Fiume pour le gouvernement italien et pour ses alliés français et anglais. Car il ne tient pas assez compte de l’état de l’opinion publique italienne, de la situation intérieure en Italie, de l’intérêt des Alliés. Ce sont pourtant là des facteurs avec lesquels doivent forcément compter les gouvernements qui en sont affectés,