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couloir reliant Fiume au territoire italien et s’en tient, pour la frontière en Istrie, entre l’Italie et l’Etat neutre, à un tracé qui, légèrement modifié à l’avantage de l’Italie, ne réalise pourtant pas la jonction avec Fiume. Un mémorandum de M. Lansing, remis le 27 octobre à M. Tittoni par M. Polk, développe la solution à laquelle le gouvernement américain est prêt à souscrire pour l’ensemble de la question adriatique, Fiume, Dalmatie, Iles Dalmates, Albanie. Les articles 1 et 2 de ce mémorandum écartent la proposition du couloir.

Ce nouveau refus, connu en Italie à la fin d’octobre, y suscite une émotion si profonde et y met le comble à des difficultés si préoccupantes que les ambassades de France et d’Angleterre à Rome s’adressent à leurs gouvernements pour les mettre en garde contre les conséquences de l’opposition américaine. Cette démarche spontanée coïncide du reste avec un appel direct de M. Nitti à l’intervention de M. Lloyd George et avec de pressantes instances de sa part auprès de M. Lansing. Pareille activité diplomatique indique assez l’acuité qu’atteint une fois de plus l’interminable crise ouverte par la question de Fiume. C’est qu’en effet l’Italie est alors en pleine période électorale ; le résultat du scrutin se ressentira nécessairement du malaise et du désarroi où l’ajournement du règlement adriatique a plongé le pays ; les demandes de M. Tittoni ont représenté, ou peu s’en faut, le dernier effort du gouvernement italien pour donner à la question de Fiume une solution susceptible d’être acceptée par la majorité de l’opinion publique ; le refus américain réduit encore les moyens dont dispose le Cabinet pour dominer la situation intérieure, mettre fin à l’état anormal de Fiume, et amender les dispositions envers l’associé et les alliés. De fait, tous les journaux expriment leur découragement devant l’inutilité des concessions faites par M. Tittoni sur le programme des revendications italiennes et en arrivent à conclure, selon leurs tendances politiques, soit que l’événement justifie la méthode de d’Annunzio, soit que les gouvernements bourgeois sont impuissants à fonder la paix. Dans ce concert de récriminations, la France est, cette fois-ci, épargnée et son concours est même l’objet d’éloges. Mais cette lueur de justice n’empêchera pas que notre pays ne pâtisse en fin de compte de la déception italienne, parce que c’est la politique de guerre, l’interventisme, qui continue à être en cause dans