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personnelle de romantisme d’annunzien, ces manifestations ont un mérite qui leur est commun : c’est d’être adaptées à leur fin. Et leur fin est détenir en haleine Italiens de Fiume et Italiens de la péninsule. On ne peut contester qu’elles aient atteint cette fin. Pendant un an, la revendication italienne sur Fiume a continué à s’incarner dans les occupants, dans leur chef et dans leurs partisans locaux ; l’intérêt éprouvé en Italie pour leur cause et pour son succès final n’a pas faibli ; enfin cet intérêt et l’emprise matérielle de d’Annunzio sur Fiume ont grevé d’une lourde hypothèque les négociations poursuivies par le Gouvernement pour la solution diplomatique de la question.


IX. — LES NÉGOCIATIONS ITALO-AMÉRICAINES. — LE PROJET TITTONI

Malgré les pressantes instances de M. Clemenceau, M. Wilson n’a pas consenti à détacher de l’Etat autonome de Fiume la ville proprement dite, pour en confier les destinées à l’Italie. Encore que prévu par le gouvernement italien, son refus, connu en Italie dans les derniers jours de septembre, y a causé une nouvelle déception et compliqué la situation. M. Tittoni a alors cherché un terrain d’entente dans une combinaison mettant le territoire italien en contact direct, non plus seulement avec l’Etat neutre de Fiume, mais avec la ville même. Le contact désiré aurait été réalisé par l’annexion à l’Italie d’une étroite bande de territoire istrien, en bordure de la mer, entre Fiume et Volosca, donc par une insignifiante rectification à la frontière antérieurement admise en Istrie par le président Wilson. En outre, la ville de Fiume, déjà érigée, sous la domination hongroise, en corpus separatum investi de privilèges spéciaux, aurait été détachée de l’Etat neutre et serait devenue totalement indépendante, le port et le chemin de fer étant cependant laissés au petit État contrôlé par la Société des nations. Cette nouvelle proposition est soumise à Washington en octobre et, comme la précédente, appuyée par le gouvernement français. Elle n’y obtient pas plus de succès. M. Wilson se prête bien à maintenir, en faveur de la ville de Fiume, l’autonomie municipale conférée au corpus separatum par la charte de l’impératrice-reine Marie-Thérèse, mais pas à la détacher complètement de l’Etat-tampon. Il repousse l’idée d’un