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VIII. — GABRIEL D ANNUNZIO A FIUME

Au début de septembre, la Commission de quatre généraux, chargés d’enquêter sur les incidents de Fiume, avait déposé son rapport. Après avoir établi les causes, la matérialité et les responsabilités des faits, ce document concluait à l’adoption de mesures propres à en prévenir le retour. C’étaient : la suppression du Conseil National de Fiume et son remplacement par un gouvernement régulièrement élu ; la constitution d’une Commission militaire interalliée [1], présidée par un Anglais ou un Américain et investie du contrôle sur l’administration de Fiume et de Sussak ; la relève des troupes et de tout le personnel militaire italien et français ; la réduction à un bataillon des forces militaires italiennes à Fiume ; la réduction à deux par nation des navires de guerre présents sur rade, à l’exclusion de ceux qui y avaient déjà stationné ; la suppression immédiate du bataillon humain, la formation d’une police locale et, en attendant, l’envoi d’un corps de police anglais ou américain. Le Conseil Suprême [2] adopta les propositions de la Commission d’enquête et les transforma en décision, dont l’exécution fut entreprise.

Le rapport fut tenu secret ; seules les décisions auxquelles il avait conduit vinrent à la connaissance du public. C’était la fin du régime de fait arbitrairement créé à Fiume par le commandement italien. On ne s’y trompa point en Italie ; les journaux s’indignèrent et demandèrent comment un général italien avait pu apposer sa signature à de pareilles conclusions. C’est qu’ils ignoraient par quelles constatations le représentant italien dans la Commission d’enquête [3] et, à sa suite, le délégué d’Italie au Conseil Suprême [4] avaient été amenés à souscrire à ce programme de réorganisation civile et militaire de Fiume. Réorganisation provisoire, cela va de soi : car elle ne préjugeait nullement du sort définitif de la ville. Quoi qu’il en fût, quelques jours encore et c’en était fait de la situation spéciale que l’Italie s’était arrogée à Fiume. Alors se produit un coup de théâtre.

  1. France, Italie, Angleterre, Amérique.
  2. Donc à l’unanimité, représentant italien compris.
  3. Le général de Robilant.
  4. M. Tittoni.